Il y a plus d’un siècle, en 1907, 2 ans environ après la loi de 1905 sur la séparation de l’église et de l’état, un dénommé N.Simon avait publié dans une revue anticléricale, Les Corbeaux, un texte intitulé :
L’église n’a pas changé… !
C’est à lire, et si l’auteur ironise sur des changements jamais anodins dans les enseignements et les dogmes de la religion catholique, elle ferait bien de changer dans son entêtement à ne pas vouloir s’adapter (pour ses fidèles) à notre monde actuel. Avant de faire une campagne publicitaire avec un prêtre bidon du diocèse de Langres, elle devrait se poser la question sur le peu d’intérêt de la prêtrise et la désertification de ses chapelles, sanctuaires, églises, cathédrales, basiliques et autres lieux où aller entendre des paroles apocryphes… !
« Il y a quelques jours j’entrai dans une église. C’est, par excellence, le lieu où l’on peut se documenter sur l’histoire du clergé.
Non loin du bénitier, assis sur une chaise, appuyé contre un pilier, le suisse pieusement assoupi, somnolait. Ce gendarme d’église s’était éloigné le plus qu’il avait pu de la chaire occupée, en ce moment, par un prédicateur tonitruant qui répandait sur le bétail humain, accroupi en dessous, les flots pressés de la parole divine.
De loin, et dans la pénombre, ce prédicateur gros, gras, joufflu, rubicond, à moitié enseveli dans cet espèce de cuveau sacré, agitant fébrilement ses bras et les posant sur le bord de la chaire ressemblait à un énorme crapaud tombé dans un bénitier et cherchant à en sortir.
Les mots « immuable », « éternelle », « inaltérable » arrivaient, par moment jusqu’à moi.
Je pensai, tout de suite, que le prêcheur faisait l’éloge de notre camarade Briand, vantant son inimitable dévouement aux intérêts de notre sainte mère l’église, portant aux nues son inaltérable platitude devant le pape, et l’assurant de l’éternelle reconnaissance que lui devait le clergé pour avoir osé notamment, faire réformer, à la demande des catholiques et dans l’intérêt romain, la loi française sur les réunions publiques.
Je me trompais. La thèse du crapaud orateur était celle-ci : Jésus est descendu du ciel pour apporter à l’univers la vérité éternelle. La sainte église en est devenue l’immuable dépositaire.
L’Eglise ne peut donc pas plus varier, pas plus changer que l’inaltérable vérité divine dont elle est la vénérée gardienne.
Et je me représentais gaiement la situation de ce brave Jésus assis, pendant les neuf mois de grossesse dans le sein de la Vierge Marie, sur la valise contenant la vérité éternelle et fumant la cigarette.
Quel abîme de mystification et de mensonge que les religions ! Quel gouffre que l’ignorance des fidèles !
L’Eglise n’a pas changé ! disait notre Bacchus en surplis. Mais cependant à l’origine elle avait adopté le système républicain. Les prêtres étaient élus par le peuple, les évêques par les prêtres, et le peuple. Tous les évêques étaient égaux et la papauté n’existait pas.
Et aujourd’hui, c’est le despotisme d’un seul qui règne en maître. Le pape nomme l’évêque, celui-ci nomme le curé. Fidèles, évêques, curés tremblent et rampent comme des limaces devant un cynique individu qui joue bêtement au bipède divin et se donne comme le régisseur de la terre, des consciences et des cieux à nous, envoyé par Dieu en personne.
(Caricature Rousso)
L’Eglise n’a pas changé ! C’est pourtant un changement d’importance que l’infaillibilité du pape proclamée, le 18 juillet 1870 ; alors que le concile de Constance en avait attribué cette infaillibilité aux réunions d’évêques appelés conciles.
(Caricature Hic)
L’Eglise n’a pas changé ! Or, lors du concile de Nicée en 325 Jésus fut bombardé Dieu par 300 voix d’évêques contre 18 qui ne voulurent pas en faire tort à la corporation des charpentiers à laquelle il appartenait incontestablement.
Mais le concile de Philippopolis lui enleva ultérieurement sa divinité. Et elle disparut tellement bien en Italie, dans la Gaule, dans l’Espagne et dans l’Afrique que sans l’invasion de nouveaux barbares qui eux faisaient de Jésus un Dieu, l’Arianisme, c'est-à-dire la doctrine qui ne faisait de lui qu’un homme régnerait encore en maîtresse aujourd’hui.
(Caricature Decressac )
L’Eglise n’a pas changé ! Seulement le concile d’Espagne en 303 proscrivit, dans les temples chrétiens, les images et les statues. Le second concile de Nicée, en 787, les rétablit. Un concile de Francfort, 7 ans plus tard, les proscrivit à nouveau. Enfin un concile de 842 les rétablit définitivement. Joli girouette que le christianisme !
(Caricature Sergio)
L’Eglise n’a pas changé ! Seulement les prêtres se sont mariés pendant des siècles et ne se marient plus aujourd’hui. L’Eglise n’a pas changé ! Seulement, pendant plus de mille ans, la communion consista, comme dans les anciennes religions, dans l’absorption par le fidèle de pain et de vin bénits par le prêtre.
Et depuis les conciles de 1050 et de 1215 elle consiste dans l’absorption de la chair, du sang, de l âme et de la prétendue divinité du chemineau de Jésus, ce qui constitue tout simplement la résurrection de l’ignoble anthropophagie.
(Caricature Jiho)
L’Eglise n’a pas changé ! Seulement le baptême ne s’administrait originairement qu’aux adultes dont il était censé effacer les péchés. Et depuis que l’aliéné qu’on appelle saint Augustin a, plus de 400 ans après Jésus, imaginé le péché originel, inconnu jusque-là, le baptême ne s’applique plus qu’aux enfants.
(Caricature Rousso)
L’Eglise n’a pas changé ! Seulement le baptême qui consistait à plonger trois fois le corps tout entier dans l’eau a revêtu le cérémonial actuel se bornant à l’effusion de quelques gouttes d’eau sur la tête considérée comme le siège de l’âme à blanchir.
(Caricature Berth)
L’Eglise n’a pas changé ! Seulement on administrait autrefois au bébé, le jour du baptême, la communion sous la forme liquide, et la confirmation.
Avec l’intelligence d’un commerçant madré le christianisme a séparé aujourd’hui ces trois cérémonies et augmenté ainsi énormément ses recettes.
(Caricature Lasserpe)
L’Eglise n’a pas changé ! Seulement les quatre évangiles donnent à Jésus des sœurs et quatre frères appelés Jacques, Joseph, Simon et Jude. Ils font donc de Marie la mère d’une grosse famille.
Et le concile de Capoue en 391, en fit la Vierge adorée aujourd’hui par les crétins catholiques.
L’Eglise n’a pas changé ! Seulement ce n’est qu’au bout de six cents ans qu’on imagina l’ascension de Marie au ciel. Personne n’en avait entendu parler jusque-là.
(Caricature Maester)
L’Eglise n’a pas changé ! Seulement la confession eut lieu en public jusqu’au jour où, à la fin du IVe siècle, le scandale causé par une femme qui s’accusa d’avoir eu des rapports sexuels avec un prêtre décida le clergé à adopter la forme actuelle.
(Caricature Jiho, N'hésitez pas à cliquer sur l'image!)
L’Eglise n’a pas changé ! Seulement le purgatoire bagne fictif, servant à l’internement d’âmes inexistantes, et qui est la source des plus gros revenus de l’immonde escroquerie catholique fut considéré pendant des siècles comme une hérésie. Ce fut le concile de Trente (1515-1563) qui l’adopta définitivement et organisa et approuva le commerce des messes libératoires.
(Caricature Alex)
L’Eglise n’a pas changé ! Seulement la dévotion au cœur de Jésus date de *Marie Alacoque (1617), l’immaculée conception de 1854, et l’exploitation canaille et vraiment criminelle des troncs de saint Antoine de Padoue du siècle dernier. Cette entreprise de mystification et d’escroquerie intense qu’on appelle le christianisme a donc subi comme la plus vulgaire des entreprises commerciales, des changements continuels.
Et il faut l’ignorance crasse de certains prédicateurs, et le cynisme bien connu d’autres plus instruits, pour oser proclamer ce mensonge, cette hérésie, cette fumisterie :
L’Eglise n’a pas changé ! »
Il faudrait qu’elle change en dénonçant clairement les dérives, pour ne pas dire déviances de certains de ses prêtres ; il serait temps d’enfoncer le clou, là où il faut, même si ça doit faire mal… !
(Caricature Berth)
*Marie Alacoque :
Le cœur de Jésus-Christ ou de sa mère est la grande dévotion moderne depuis bientôt deux siècles. Le cœur avait l’avantage de fournir une foule d’expressions d’un sens douteux, mais décentes, toute une langue de tendresses équivoques qui ne faisaient point rougir, et facilitaient le manège de la galanterie dévote. Dès le commencement du XVII° siècle, les directeurs confesseurs trouvent dans le Sacré-Cœur un texte commode ; mais les femmes le prennent tout autrement au sérieux. Elles s’exaltent se passionnent ; elles ont des visions. La Vierge apparaît à une paysanne de Normandie, et lui ordonne d’adorer le cœur de Marie. Les visitandines s’intitulaient Filles du cœur de Marie. Jésus ne manque pas d’apparaître à une visitandine nommé Marie Alacoque, et lui montre son cœur entr’ouvert. C’était une forte fille, très sanguine, qu’on était obligé de saigner sans cesse.