Il faut que je vous raconte une mésaventure, survenue lors de mon dernier séjour à Paris.
Voulant retourner visiter Le Marais, je me suis souvenu d’avoir oublié une de mes suricatines dans un magasin de fringues. La pauvre n’avait pas bougé depuis l’an dernier. Constatant l’état de mon amie, il faut dire qu’elle avait du trouver le temps long, j’ai contacté aussitôt les catacombes,
qui m’ont dissuadé de l’emmener, ils n’avaient plus de place. Je suis allé au Père Lachaise, voir s’il y avait encore une petite place de libre. Elle aurait quand même pu m’envoyer un texto, pour m’informer des dispositions à prendre.
De tout temps, face à la mort, l'agonisant se préparait à quitter le paradis terrestre...!.
Dans une toile de Hieronymus Bosch datant de 1490, le démon soulève avec peine, tant il est lourd, un gros sac d’écus, le tire d’un coffre et le dépose sur le lit de l’agonisant afin que celui-ci l’ait à sa portée à l’heure du trépas.
On y voit d’abord un homme sur son lit de mort. L’ange à sa droite tente d’attirer son attention vers le crucifix, situé en travers de la fenêtre, illuminé d’une lumière divine. Mais l’homme est plus attiré par une bourse que lui tend un démon. Même à quelques instants de son trépas, il persiste à rester attaché à ses possessions matérielles... La Mort a déjà pénétré dans la pièce mais le mourant ne réalise pas encore qu’il en va de sa rédemption ou de sa damnation. D’autres créatures, venues des Enfers pour tenter l’avare, se tiennent dans son coffre, entourent ses vêtements et ses armes, le conjurant de ne pas quitter ses possessions terrestres ; car une âme qui est prête à les sacrifier est une âme sauvée. La Mort est représentée de façon traditionnelle et porte une flèche à la main, ce qui montre qu’elle s’apprête à prendre une vie. Le vieil homme au pied du lit est vraisemblablement un double du mourant, qui continue de remplir son coffre de biens précieux. Dans cette œuvre de Bosch, l’issue du combat demeure incertaine.
Le mourant souhaitait emporter ses biens avec lui. L’église ne le détrompait pas tellement, mais elle l’avertissait qu’il les accompagnerait en enfer : dans l’imagerie des jugements derniers, l’avare tient sa bourse à son cou au milieu des suppliciés ; il garde dans l’éternité l’amour des richesses temporelles.
Si, au cours de nombreux siècles, le mourant faisait don au clergé d’une partie de ses biens dans le but de s’assurer que son âme irait au paradis par l’intermédiaire de nombreuses messes et prières, il se souciait beaucoup moins de la pérennité de sa sépulture.
Il n’en a plus été ainsi au début du XIX° siècle. On passe des chapelles de donateurs, (réservées à quelques privilégiés) dans les églises du XIV° au XVIII°, aux caveaux de famille de nos cimetières contemporains.
Dès son origine, la chapelle « privée », a été considérée comme un lieu réservé à la famille et à ses morts.
L’enterrement dans la « cave » réservée à une famille s’oppose à l’inhumation commune, solitaire et anonyme.
Le cimetière du Père Lachaise en est un parfait exemple.