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Grains de sel
20 septembre 2007

Féminisation… !

1

J’ai suivi une conversation lors d’une émission « Bibliothèque Médicis », entre Jacqueline de Romilly et Christiane Desroches Noblecourt.

  À l’issue, j’ai eu envie d’en connaître plus sur cette académicienne, une grande Dame, spécialiste de la Grèce antique.

2

  Très tôt, Jacqueline Worms de Romilly se distingue par de brillantes études au lycée Molière, où elle est lauréate du concours général de latin et deuxième prix en grec ancien. Elle poursuit ses études au lycée Louis le Grand puis à l'école normale supérieure. Agrégée de lettres et docteur ès lettres, elle enseigne la langue et la littérature grecques à l'université de Lille puis à la Sorbonne, avant d'être nommée professeur au Collège de France en 1973 à la chaire 'la Grèce et la formation de la pensée morale et politique'. Jacqueline de Romilly est la première femme à entrer dans la vénérable institution ainsi que la première femme membre de l'académie des inscriptions et belles-lettres en 1975. Elle se consacre à la littérature grecque, aussi bien aux auteurs qu'à l'histoire des idées, et publie de nombreux ouvrages sur ce sujet.

Elle est élue à l’Académie française, le 24 novembre 1988, au 7e fauteuil d’André Roussin.

Elle est également membre correspondant ou étranger de diverses académies. En 1995, elle obtient la nationalité grecque et est nommée ambassadeur de l'hellénisme en 2001. Parmi ses nombreuses distinctions, citons le prix Langlois en 1974, le grand prix d'académie de l'Académie française en 1984 et le prix Onassis en 1984. Elle est également faite Grand-croix de l'ordre national du Mérite et Grand-croix de la Légion d'honneur en 2007. Se battant pour la sauvegarde de l'étude des langues anciennes, Jacqueline Worms de Romilly est l'une des plus grandes spécialistes de la Grèce antique.

Pour une première approche de ces œuvres :

http://www.academie-francaise.fr/immortels/base/publications/oeuvres.asp?param=679

J’ai choisi son dernier livre :

3

   « Chaque mois, depuis des années, Jacqueline de Romilly essaie de nous faire partager son amour de la langue française.

  Ce qu'elle veut avant tout, c'est nous en donner le goût. C'est-à-dire qu'elle insiste plus sur les beautés de cette langue que sur les dangers qui la menacent.

   À partir d'un mot qu'elle a choisi, elle cherche à en préciser le sens, la valeur correcte, l'étymologie, ainsi que l'évolution qui, en fonction des changements de la société, des découvertes scientifiques, ou des réflexions des écrivains, a chargé ces mots de nuances nouvelles. En somme, elle nous fait vivre le roman des mots.

   Les langues, en effet, ne cessent de se transformer. S'il existe des inventions inutiles et pédantes, qui ne sont en réalité que des fautes portées par une mode souvent précaire, il existe aussi des changements qui reflètent notre histoire et notre pensée. Il est passionnant d'en suivre le cours.

   Peu à peu les mots se chargent d'une riche complexité.

   Réunies ici pour la première fois en un volume, ces promenades dans le jardin des mots nous permettent de contempler, en compagnie du meilleur guide que l'on puisse avoir, l'un des plus beaux paysages du monde, la langue française. »

(Présentation de l'éditeur)

Pour vous donner envie d’en savoir plus sur ce « Jardin des mots », je n’ai eu que l’embarras du choix, parmi les nombreuses chroniques, parues dans Santé Magazine, et regroupées dans ce livre.

Avant de vous inviter à lire l’une d’entre-elles, Féminisation, en préambule, je citerai ce qu’elle a écrit concernant l’enseignement.

4

« L’enseignement est sans doute ce qui compte le plus pour l’avenir d’un pays, c’est sans doute également ce qui, aujourd’hui, va le plus mal en France. La crise que nous avions naguère, été un certain nombre à dénoncer, n’a fait dans les institutions que s’aggraver, comme si toutes les mesures tentées, fût-ce avec la meilleure bonne foi du monde, se trouvaient au passage happées et détournées de leur sens […]

5orthographe

L’orthographe disparaît,  et j’ajouterai que l’écriture même risque de disparaître. Car, quand les signes n’ont plus ni clarté, ni logique, ils ne permettent plus de communiquer, d’aucune façon. »

Féminisation

51

(Photos-media Homme par Mappelthorpe, Laetitia Casta)

« Lorsqu’il a été décidé que le mot ministre deviendrait féminin si la fonction était occupée par une femme, je n’ai pas été très heureuse. D’abord, cela me paraissait aller contre l’habitude du français, qui veut que les formes masculines prennent la valeur de ce que l’on pourrait appeler un neutre, c'est-à-dire puissent englober aussi bien le masculin que le féminin. On dira « nous avons été heureux, ma femme et moi, de vous recevoir » ; et nul ne sera choqué que cette forme masculine convienne pour les deux sujets. Il en est de même lorsque l’on dit « tous les hommes sont mortels » ; il est clair que, dans ce cas, le mot hommes englobe, au masculin et au féminin, toute l’humanité.

  C’est d’ailleurs là l’origine de cette définition qui nous avait jadis fort amusés quand nous lisions dans le dictionnaire pour le mot homme : « Terme générique, qui embrasse la femme » !

7

D’autre part, dans ma génération, nous avions, nous les femmes, été fières de réussir à nous présenter aux mêmes concours que les hommes et dans les mêmes conditions. Il était donc déroutant de voir aujourd’hui les distinctions se rétablir, fût-ce avec les meilleures intentions de la terre, sous la forme de débats sur la parité ou les quotas. Pourtant, je n’en ai point parlé ici, ne voulant pas offrir aux lecteurs des discussions trop mêlées et d’actualité et d’incertitude.

   Mais aujourd’hui les choses se compliquent : dans un texte officiel récent, relatif à une promotion de la Légion d’honneur, on va de découverte en découverte. Ce texte a d’ailleurs soulevé quelque émotion et je citerai les réactions d’un député de Paris dans une question écrite (Gilbert Gantier) ou un article paru dans Le Monde (Bertrand Poirot-Delpech).

6

   Dans ce texte, on voyait la féminisation s’étendre soudain à toutes les fonctions, à tous les métiers, à toutes les activités. Et elle y prenait des formes un peu insolites. Ainsi, moi qui ai enseigné toute ma vie, j’ai découvert alors que j’étais professeure C’est un exemple parmi d’autres sur cette liste ; mais je dois avouer qu’il m’a atteint au cœur.

   Je n’ai jamais éprouvé de scrupule à entrer dans une salle où, même dans un lycée de filles, on lisait sur la porte les mots salle de professeurs. Et lorsque j’ai écrit un livre intitulé Nous autres professeurs, je n’imaginais guère que, pour me conformer au nouvel usage, je devrais un jour écrire « Nous autres professeurs et professeures » !

9Hermaphrodite

   De toute manière, on ne crée pas des féminins avec cette légèreté. Et, puisqu’il s’agit des mots en –eur, je remarque que plusieurs féminins peuvent se présenter : on dit une directrice et une actrice ; mais une chanteuse et une masseuse ; certains mots ont même deux féminins, comme chasseuse et chasseresse. Ces différences tiennent dans certains cas à la nature du verbe correspondant, ou bien à la date de création et certains hasards de l’histoire peuvent jouer ; mais, de toute façon, nous sommes loin du compte avec ce petit e muet qui atteint soudain tant de métiers. Il se glisse là, de façon discrète, puisqu’on ne l’entendra pas, mais aussi sans que rien ne le justifie. À la limite, pourquoi ne se mettrait-on pas à écrire la couleure ou la blancheure, sous prétexte que ces mots sont féminins ?

91

   Une telle pente m’inquiète ; mais déjà la liste qui nous est offerte touche en moi le professeur avec ou sans e muet. Je suis professeur de lettres. À ce titre, j’ai toujours eu à cœur d’enseigner aux jeunes la valeur des mots, leur étymologie et les règles de la langue française, avec l’orthographe des mots. Je crois fermement que c’est la condition première d’une pensée claire.

  8

   Mais, comment veut-on que l’on puisse enseigner vraiment cette correction de la langue et de l’orthographe si, d’un trait de plume, on introduit de si brusques changements ? L’élève devra-t-il préciser à quel décret il se conforme ? Et ne s’inquiétera-t-il pas devant les textes antérieurs ? Quelle confiance aura-t-il en nous et en notre langue française ? Et comment la respectera-t-il ?

  Je sais bien ce que l’om me dira : que peut-être le texte cité n’est pas tout à fait le texte officiel, qu’il y a eu des erreurs ou un excès de zèle de la part de rédacteurs. Une telle explication est possible. Mais c’est précisément là que je voulais en venir : nous ne saurons plus, dans l’enseignement, reconnaître ce qui est désir de se conformer à quelque règle nouvelle ou simple erreur d’étourderie ! Certes, la langue évolue ; la langue change ; mais il n’est pas bon de la brusquer ni de la faire tituber, et la plus belle des causes ne saurait gagner à la traiter ainsi. »

10

Discours de réception à l’Académie Française de Mme Jacqueline de Romilly, le jeudi 26 octobre1989

http://www.academie-francaise.fr/immortels/discours_reception/romilly.html

Mon prochain livre sera :

11alcibiade

« A ce souci de vérité historique, Jacqueline de Romilly ajoute à son ouvrage un autre intérêt de réflexion, en montrant que la crise profonde de la démocratie athénienne, après l’âge d’or du siècle de Périclès, présente des similitudes troublantes avec la crise de notre société actuelle.

12

Le récit de la vie du général Alcibiade, pupille de Périclès et paré de tous les dons, mais imprudent et dévoré par l’ambition, est donc présenté comme " un exemple à méditer et à ne pas imiter ". * Sa carrière préfigure en effet tous les excès de ce qu’on appelle aujourd’hui la " politique spectacle ". Il aurait pu faire beaucoup de bien à Athènes et à la Grèce et son admiration passionnée pour Socrate aurait pu être un gage de conduite mesurée, mais le disciple n’écouta pas le maître et se laissa emporter par ses passions. » (Daniel Gerardin)

*Vous ne pensez pas à …?

13

Là, c’était mon grand ancêtre, maintenant nous avons… ?

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8 juin 2007

À Bassus, épigramme de Martial*… !

00romulus_et_remus_Rubens

Après les insécurités de la ville, je vous emmène loin de Rome, goûter les joies de la campagne.

Vous allez me reprocher de faire appel à des auteurs anciens, c’est la faute à mes lectures bien passionnantes du moment.

J’aimerai être peintre pour transcrire sur toile l’émotion que me procure la lecture de cette épigramme… !

0JuniusBassus

« Bassus, notre Faustin, possède en Campanie,

Près de Baye, une bonne et grosse métairie,

Dont l'utile terrain ne nous offre, aligné,

Ni le myrte infécond, ni le buis bien peigné,

Ni du platane oiseux la stérile verdure ;

C'est un vrai bien rural, agreste et sans parure.

1grenier

(Photo perso)

Là, Cérès sous son poids affaisse les greniers ;

Sur de larges rayons, l'opulente Poinone

De ses dons variés embaume les fruitiers ;

2

(Photo perso)

Et Bacchus, à son tour, enrichit les celliers

Du nectar qu'il prodigue, au déclin de l'automne.

Aux approches des froids, les vignerons actifs

Recueillent les raisins oubliés ou tardifs.

3taureau

(Photo perso)

L'indomptable taureau fait mugir la vallée,

Et près de lui, son fils, fier de ses dards naissants,

Bat la terre, et révèle, en ses jeux innocents,

Une ardeur qui bientôt sera mieux signalée.

4edgar_hunt_basse_cour

Mais de la basse-cour les habitants ailés

Appellent nies regards : ici sont rassemblés

Et le paon dont la roue avec orgueil étale

De ses brillants trésors la pompe orientale ;

Et l'oie aux cris aigus, à côté du canard

Qui répète, en ramant, son refrain nasillard ;

La pintade enlevée aux champs de Numidie,

Et le faisan venu de la Colchide impie.

Le coq dans son sérail règne en sultan jaloux

La palombe roucoule auprès de son époux ;

Près du flamant en feu la perdrix vergetée

5

(Photo perso)

Suit le cygne orgueilleux de sa robe argentée.

De sa tour le pigeon s'échappe au moindre bruit,

Et frappe à coups pressés le toit qui retentit.

6

(Photo perso)

Le porc glouton s'attache aux pas de la fermière,

L'agneau bêle, invoquant le retour de sa mère.

Bien propres, bien nourris, les fils du métayer,

Rangés en demi-cercle, assiègent le foyer

Abondamment garni du branchage des hêtres,

Qui rougissent le front des pénates champêtres.

7

Là, point de cabarets, de buveurs fainéants,

Ni de lutteur qui perde et son huile et son temps ;

Chacun a son emploi : l'un, aux grives avides

Va tendre des lacets ou des pièges perfides ;

L'autre, au bord d'un étang amorce le poisson,

Qui vient, saisit l'appât et pend à l'hameçon.

On rapporte à la ferme un daim pris dans les toiles.

Sous de larges chapeaux qui leur servent de voiles,

8Duc_de_Berry_g

Les citadins, armés de bêches, de râteaux,

S'occupent, au jardin, de faciles travaux ;

Et de gais écoliers, libres du joug classique,

Goûtent mieux les leçons du précepteur rustique.

Tous ont la main à l'oeuvre ; et le moindre valet

S'acquitte avec plaisir d'un travail qui lui plaît.

9metsyspreteur

De clients que l'intérêt guide

Le réveil des patrons à Rome est entouré ;

Le client villageois ne vient pas la main vide.

L'un apporte un rayon rempli d'un miel doré,

Ou d'un fromage épais la blanche pyramide ;

L'autre un loir endormi, surpris dans la forêt,

Ou de la basse-cour le gras célibataire,

Ou le jeune chevreau qui, privé de sa mère,

Se plaint de son absence, et réclame son lait :

10richet_jeunes_paysannes

Des filles du hameau l'essaim modeste et sage

Offre aussi ses présents. A la fin de l'ouvrage,

Un invite au dîner un aimable voisin ;

10BWtewael_private_Banquet_

Il accourt. De la table, abondamment servie,

Nul mets par une avare main

N'est soustrait pour le lendemain.

Chacun suit en mangeant son goût, sa fantaisie,

11andromaque_esclave

Et l'esclave, enlevant les débris du festin,

A l'heureux convié ne porte point envie.

Et toi, si pour passer le temps,

De ton élégant belvédère,

Tu vas à ta maison des champs

(Car c'est ainsi que tu veux qu'on la nomme,

Bien qu'elle touche aux murs de Rome),

12Plan_Domus

Dans ton manoir rural, Bassus, que trouves-tu ?

Tu vois partout le superflu,

Et nulle part le nécessaire.

Tu n'aperçois que myrtes, que lauriers ;

Qu'as-tu, besoin de jardiniers

Qui du marché tirent leur nourriture ?

Pour protéger tes espaliers

13CultePriape

Il suffirait d'un Priape en peinture.

Si le besoin de respirer

T'y conduit, dès la veille il faut te préparer

Ainsi que pour un long voyage ;

14abdeslam_essaihi

(Tableau Abdeslam Essaihi)

Oeufs, légumes ; poulets, poissons ; fruits et fromage,

A grands frais par ton ordre à la ville achetés,

Sont encaissés, empaquetés.

Aux champs tout cela t'accompagne

Chargé sur un large brancard ;

Dis-moi, Bassus, ta maison de campagne

N'est-elle pas plutôt un hôtel à l'écart ? »

15villa_de_sirmione

*Martial est l'auteur de nombreuses épigrammes, souvent flatteuses, publiées sans doute dans le but de s'attirer les bonnes grâces de ses dédicataires. On en compte 1500 réparties sur 15 livres : en effet, à partir de 84 (sous Domitien) et jusqu'à sa mort (vers 104), ses épigrammes lui gagnèrent sa bonne renommée. Souvent obscènes, elles portent un regard particulier sur toutes les couches de la société romaine et s'attaquent à toutes sortes de personnages. Mais lorsque Nerva accéda au pouvoir, Martial réalisa que louanges et obscénités ne lui vaudraient plus rien.

bassus

Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Martial

6 juin 2007

L’insécurité au temps des Romains… !

0_pannini_hd

L’insécurité des rues, une fois la nuit tombée, n’est pas un thème qui date d’aujourd’hui. Juvénal* qui n’a pas les moyens de s’offrir une escorte convenable, redoute les agressions quand il doit sortir le soir. Et bien sûr, il se plaint que la police ne soit jamais là où il faudrait… !

1juvenal

C’est ainsi qu’il s’exprime dans la Satire III .

« Considère maintenant une autre masse de périls auxquels la nuit nous expose, vois à quelle hauteur s’élèvent les toits d’où une tuile vous tombe sur le crâne, songe à tous les vases fêlés et ébréchés qui dégringolent par les fenêtres : ils entament le pavé, le marquent d’une trace profonde. On aura raison de t’accuser de négligence si tu ne prévois pas les accidents et si tu vas dîner en ville sans avoir fait ton testament. Il y a autant de chances de mort dans les rues nocturnes que de fenêtres ouvertes et éclairées. Le seul voeu à faire, c’est qu’on se contente de vider sur ta tête de larges bassins.

2bacchus

Mais un ivrogne agité, qui par hasard n’a encore rossé personne, en éprouve des remords, et passe une nuit aussi lugubre que le fils de Pélée pleurant son ami ; il se couche sur le nez, se retourne sur le dos. Non, pas moyen de trouver le sommeil : ou bien il lui faudra une bonne querelle. Or il a beau avoir l’effronterie de la jeunesse et du vin, il évite dans la rue quiconque a un manteau de pourpre, une escorte nombreuse, avec flambeaux et lampes qui lui conseillent de passer au large.

3todaycal

Mais moi, qui ai l’habitude de rentrer chez moi à la lumière de la lune ou à la pauvre lueur d’une chandelle que j’économise, je ne lui en impose pas. Apprends comme s’engage la fâcheuse querelle, s’il y a querelle lorsque l’adversaire frappe tandis que j’encaisse. Le gaillard se plante devant moi et m’intime l’ordre de m’arrêter : il faut bien obéir ; quoi faire en effet, avec un furieux qui d’ailleurs est le plus fort ?

31char_bacchus

- « D’où viens-tu ? » crie-t-il. « Chez qui t’es-tu farci de fèves et rempli de piquette ? Quel savetier t’a invité à partager ses poireaux et sa tête de mouton bouillie ? Tu ne réponds rien ? Parle, ou tu tâteras de mon pied. Où est ton bouge ? A quelle synagogue faut-il aller te chercher ? »

4roc_roussey

(Tableau Roc-Roussey)

Méditer une réponse ou se retirer sans mot dire, qu’importe ? Dans les deux cas, ce sont là gens à te frapper et par dessus le marché à t’appeler en justice. Une seule ressource reste au pauvre diable ; battu, meurtri de coups de poing il implore la faveur de partir avec quelques dents intactes.

Ce n’est pas tout encore. En fait de dangers, on risque de se voir dévalisé, dès l’heure où les maisons sont fermées et les boutiques muettes, volets clos, chaînes de sûreté mises aux portes. Ou bien un chenapan te surprend de son couteau. Pendant que nos gardes font la police dans les marais Pontins et dans la forêt Gallinaria, les brigands accourent au pillage de Rome.

5vulcain

Quelle forge, quelle enclume ne fabriquera pour eux de bonnes chaînes ? C’est le principal emploi de notre fer ; c’est à craindre qu’on ne vienne à manquer de socs, de sarcloirs et de houes.

6augustus_primaporta

Qu’ils furent heureux les trisaïeuls de nos bisaïeuls, en ces siècles où la Rome des tribuns comme celle des rois se contenta d’une seule prison ! »

Comme quoi, de tout temps, les hommes sont confrontés à l’insécurité ; ça ne vous rappelle rien… ?

*Decius Iunius Iuvenalis, fils adoptif d'un riche affranchi, était à l'abri du besoin. Il fit jusqu'à l'âge de quarante ans le métier de rhéteur et de déclamateur. Puis, sous les règnes de Trajan et d'Hadrien, il écrivit ses 16 satires.

Quelques-unes attaquent les défauts généraux de l'humanité, mais la plupart s'en prennent à des vices contemporains. Tout le monde est attaqué, même l'empereur. Cela ne lui réussit guère puisqu'il fut exilé en Egypte où il mourut d'ennui et de chagrin.

7jvnlcrwnd

3 mai 2007

Amen ! Vous n’aurez pas ma main… !

0poulbot

Un pauvre honteux… !

Il l'a tirée

De sa poche percée

L'a mise sous ses yeux ;

Et l'a bien regardée

En disant : " Malheureux ! "

1anso73

(dessin anzo)

Il l'a soufflée

De sa bouche humectée ;

Il avait presque peur

D'une horrible pensée

Qui vint le prendre au coeur.

2main

Il l'a mouillée

D'une larme gelée

Qui fondit par hasard ;

Sa chambre était trouée

Encor plus qu'un bazar.

3maindedieu

Il l'a frottée,

Ne l'a pas réchauffée,

À peine il la sentait ;

Car, par le froid pincée

Elle se retirait.

4main

Il l'a pesée

Comme on pèse une idée,

En l'appuyant sur l'air.

Puis il l'a mesurée

Avec du fil de fer.

5main

Il l'a touchée

De sa lèvre ridée.

D'un frénétique effroi

Elle s'est écriée :

Adieu, embrasse-moi !

6main

Il l'a baissée

Et après l'a croisée

Sur l'horloge du corps,

Qui rendait, mal montée,

Des mats et lourds accords.

7George_Sandmain

Il l'a palpée

D'une main décidée

À la faire mourir.

Oui c'est une bouchée

Dont on peut se nourrir.

8mains

Il l'a pliée,

Il l'a cassée,

Il l'a placée,

Il l'a coupée,

Il l'a lavée,

Il l'a portée,

Il l'a grillée,

Il l'a mangée.

9main

Quand il n'était pas grand, on lui avait dit :

« Si tu as faim, mange une de tes mains ».

Xavier Forneret (1809-1884)

Combien d’entre-nous ont entendu :

"Mange ton poing et garde l'autre pour demain"

10RubandeMoebius

Drôle de conseil, quand on sait que de tels propos qui peuvent paraître anodins ont vite fait de faire du chemin y laissant toujours des traces ; il faut faire très attention à ce qu'on dit aux gamins ... !

20forneret

Malgré ce que peut laisser croire ce poème, Forneret ne vécut pas, malgré la solitude, une existence misérable ; né à Beaune, bourguignon très attaché à sa ville, il est l’auteur de pièces de théâtre, prose et poèmes au caractère souvent excentrique, funèbre et humoristique.

23ernst

Considéré comme un original, il était habillé comme l’Homme Noir, héros d’une de ses pièces, couchait dans un cercueil, jouait du violon sur une tour gothique, et avait imaginé d’avoir une boîte aux lettres au cimetière pour recevoir du courrier de l’au-delà ! Il dépensa une fortune en éditant à compte d’auteur pour essayer de faire jouer ses drames tragiques, et de faire lire sa prose souvent extraordinaire.

21

Écrivain romantique, passé inaperçu au XIXe siècle, il fut remis au goût du jour par André Breton (Anthologie de l'humour noir) et les surréalistes.

Tout est question de mesure… !

22LesMesureurs

N’allons pas remplir de cauchemars les rêves innocents de nos enfants… !

lempicka

Ils sauront nous demander des comptes… !

8fragment_de_la_statue_de_constantin_a_rome

23 avril 2007

J’ai la mémoire qui flanche… !

0_bionanotechnology

Je vous ai souvent parlé de mes deux derniers neurones encore en état de marche, afin de les préserver il va falloir que je les ménage.

Il est temps de faire appel à un guide-âne… !

guide_d__ne

« J'imaginai un guide-âne et toute une mnémotechnie, qui me permettront de retrouver à mon caprice les plus subtiles émotions que j'aurai l'honneur de me donner. »

(BARRÈS, Homme libre, 1889, p.58).

simonide

Le plafond de la salle où il banquetait s’écoula. Seul à en réchapper, il se souvenait, par un procédé d’aide-mémoire, de la place de tous les convives, ce qui permit l’identification des victimes. depuis, la pédagogie du souvenir a perfectionné cette « méthode des lieux », qui a pour principe de transformer en images les événements qu’on doit se rappeler et de les ranger selon un processus déterminé. Pour que le souvenir remonte à la surface, il suffit de refaire mentalement l’itinéraire. Les techniques de l’audiovisuel et de l’informatique ont beaucoup réduit le rôle de la mnémotechnie. On peut toutefois en retenir des exemples :

La liste des 12 premier Césars :

Auguste2

« Cesautica claunegalo vivestido »

César, Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Néron, Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, Titus, Domitien

vuesilurodevo

Les périodes géologiques de l’ère primaire :

trilobite

« CAMBRonne S’IL EÛt été DÈVÔt n’eût point CARBONisé son PÈRe »

Cambrien, Silurien, Dévonien, Carbonifère, Permien.

pi

Les 31 premières décimales du nombre pi en comptant les lettres de chaque mot de ce quatrain :

Que j’aime à faire apprendre un nombre utile aux sages.

3    1    4    1   5           9         2     6           5     3      5

Immortel Archimède, artiste, ingénieur,

      8               9               7           9

Qui de ton jugement peut priser la valeur ?

  3    2   3         8          4       6      2     6

Pour moi, ton problème eut de pareils avantages.

   4      3      3        8         3    2      7            9

La liste des conjonctions de coordination :

"Mais où est donc Ornicar ?"

121_clamouse_ 

Elle monte ou elle descend ?

La stalagTite  « T » Tombe

La stalagMite « M » Monte

  DysnSphr

« Cet art, Giordano Bruno le porte à son apothéose. Associant aux architectures et aux images de Camillo « la géométrie mystique et cosmologique de Raymond Lulle », savant du Moyen Age, il « attelle le monde intérieur de l'imagination aux étoiles » et reproduit « le monde céleste à l'intérieur de l'homme ». La mémoire magique sort de leur chaos les images archétypales de la conscience et offre, en les organisant, une faculté divine à l'homme. Celui-ci rejoint Dieu en recréant le monde.

PsychePrudhon

Telle est la grande métamorphose de l'art de la mémoire, «devenu l'outil qui sert à former la Psyché d'un mystique ou d'un Mage inspiré par Hermès ». Il fait partie d'un culte initiatique et constitue la tentative prométhéenne de mémoriser l'univers tout entier grâce à la série des correspondances et des associations, unifiées par le système céleste. Mais le problème essentiel reste pour Bruno « l'organisation de la psyché au moyen de l'imagination ». Il englobe ainsi l'esprit même de la renaissance ».

magnetic_field

(Extrait d’après l’article de Jean-Michel Maulpoix sur L'Art de la mémoire ( Gallimard) de Frances A.Yates, publié dans le numéro 271 de la Nouvelle revue française (juillet 1975)

Notre mémoire est une suite de clichés que nous avons gardé au plus profond de nous même.

Ces clichés sont inaltérables dans la mesure où nous saurons les préserver de l’atteinte de l’oubli. Ceux qui ont marqués notre vie sont ceux qui nous restent quand on a tout oublié.

La vraie mémoire c’est la transposition de ces clichés en un film qui se déroule sans rupture.

Elle passe par trois stades, la fixation, la conservation et la restitution.

Pour le moment, ma cinémathèque personnelle fonctionne bien ; jusqu’à quand… ?

memoire

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4 avril 2007

Epître Dédicatoire

1parnasse

Dans mon billet précédant, je vous avais proposé dans l’attente de son épître dédicatoire un petit résumé sur la vie de Bruno Giordano.

Pour ceux que le sujet précédent n’a pas déclenché des migraines, je vous soumet comme promis, ce petit chef d’œuvre d’écriture… !

Espérant que vous y trouverez autant de plaisir que ce que j’en ai éprouvé à sa lecture.

Bon courage, le plaisir est au bout de cette épître… !

A propos de :

La cabale du cheval de Pégase.

« Voilà le premier enseignement de l’âne céleste : dans l’ordre productif de la nature, les hommes ne possèdent aucune supériorité intellectuelle sur les bêtes. L’âme appartient en effet à toutes les espèces vivantes, car tous les êtres vivants sont dotés d’intellect ».

Bruno affirme même :

2Fontana___Portrait_dAntonietta_Gonsalus

« Qu’il est possible que beaucoup d’animaux puissent avoir plus d’esprit et un intellect bien plus éclairés que l’homme ».

L’homme appartient ainsi à l’ordre de la nature, tant du point de la substance spirituelle que de la substance corporelle. De ce point de vue, il ne constitue pas une exception ontologique. Selon Bruno, en effet :

3oph_ser

« Si l’homme, avec son esprit, pouvait se métamorphoser en serpent, il deviendrait serpent à tous les effets. »

Saverio ANSALDI : Université de Montpellier III – Paul Valéry

Epître Dédicatoire

Sur  la  cabale  suivante

Au  Révérendissime  Seigneur

Don  Sapatino

Abbé  successeur  de  San  Quintino,

Evêque  de  Casamarciano

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Reverendissime in Christo Pater,

« Révérendissime Père dans le Christ ».

Parvenu au terme de son travail (non que la lumière ait  transmigré mais que le matériau expulsé lui fait défaut et lui manque) et tenant en main un peu de verre, et bois, de cire ou d’autre chose, le potier a souvent de reste un morceau sans qu’il sache et puisse se résoudre à son sujet, songeant à ce qu’il pourrait en faire, se devant de ne pas s’en débarrasser sans profit et voulant au mépris du monde qu’il serve à quelque chose ; et voilà qu’en fin de compte ce morceau s’avère prédestiné à devenir une troisième anse, un bord, un couvercle de cruche un renfort, un emplâtre ou quelque rapiéçage colmatant, bouchant ou recouvrant une fissure, un trou ou une lézarde. Voilà, comme au potier, ce qui m’est arrivé, après avoir donné libre cours non à toutes mes pensées, mais à une certaine liasse d’écrits seulement, si bien que, finalement, n’ayant rien d’autre à achever, plus par hasard qu’à dessein, j’ai porté mon regard vers un opuscule que j’avais auparavant méprisé et utilisé pour couvrir ces écrits : je trouvai qu’il contenait en partie ce que vous vous verrez présenté.

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Cet opuscule, je pensai d’abord le dédier à un chevalier ; ayant ouvert les yeux, celui-ci me dit qu’il n’avait pas assez étudié pour pouvoir comprendre les mystères et qu’il ne pouvait donc lui plaire. Je l’offris ensuite à un des ces ministri verbi Dei (1); il le déclara qu’il était ami de la lettre et qu’il ne se délectait point de semblables exposés propre à Origène (2), que les scholastiques et les autres ennemis de sa profession admettaient en leur esprit ? Je le proposai à une dame ; elle me dit qu’elle ne le trouvait pas à son gré, parce que cet opuscule n’était pas aussi long qu’il sied à un cheval et à un âne (3). Je l’offris à une autre qui, quoiqu’elle prît plaisir à y goûter, me dit, l’ayant fait, qu’elle voulait y réfléchir quelques jours. Je vis s’il pouvait encourager une bigote ; et elle me dit : « Je ne l’accepterais que s’il parle du rosaire, de la vertu des grains bénis et l’agnus-dei ».

Je l’approchais du nez d’un pédant qui ayant détourné le visage, me dit qu’il supprimait toute étude et toute matière à l’exception de quelques annotations, scolies et interprétations de Virgile, Térence et Marcus Tullius. J’entendis un versificateur dire qu’il n’en voulait pas à moins qu’il ne s’agît de la reproduction de quelques huitains ou sonnets. D’autres disaient que les meilleurs traités avaient été dédiés à des personnes qui n’étaient  pas meilleures qu’eux. D’autres encore, avançant d’autres arguments, me semblaient disposés à ne devoir m’en remercier que peu ou pas du tout, si je le leur avais dédié ; et ce non sans raison, car, à vrai dire, on ne saurait offrir, dispenser et proposer traités et considérations qu’à ceux qui en sont dignes par leur profession ou leur condition.

Me trouvant donc les yeux rivés sur la nature de la matière encyclopédique, je me souvins de votre esprit encyclopédique qui, non tant par sa fécondité et sa richesse que par quelque rare excellence, paraît embrasser le tout, paraît détenir le tout et mieux encore. Assurément, personne d’autre que vous ne pourra plus expressément comprendre le tout, puisque vous êtes hors du tout ; vous pouvez entrer partout, puisque rien ne vous enferme ; vous pouvez disposer du tout, puisqu’il n’est rien dont vous disposiez. (Je ne sais si je ne pourrai mieux décrire votre ineffable intellect). Quand à moi, j’ignore si vous êtes théologien ou philosophe ou cabaliste. Mais je sais bien que vous êtes les trois à la fois, sinon par essence, du moins par participation ; sinon en acte, du moins en puissance ; sinon de près, du moins de loin. De toute façon, je crois que vous êtes suffisamment l’un comme l’autre. Par conséquent, voici que s’offrent à vous cabale, théologie et philosophie : je veux dire une cabale de philosophie théologique, une philosophie de théologie cabalistique, une théologie de cabale philosophique, de sorte, d’ailleurs , que j’ignore si vous possédez ces trois domaines totalement, partiellement ou si vous ne les possédez nullement ; mais ce dont je suis bien  certain, c’est que vous possédez le tout du rien en partie, une partie du tout dans le rien et qu’en tout vous ne possédez rien de la partie.

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Maintenant, pour en venir à nous, vous me demanderez : qu’est-ce donc que cette chose que vous m’envoyez ? Quel est le sujet de ce livre ? De quel présent m’avez-vous rendu digne ? Et je vous répondrai que je vous fais don d’un âne, que s’offre ainsi à vous l’âne qui vous fera honneur, qui augmentera votre dignité et vous mettra dans le livre de l’éternité. Il ne vous en coûte rien pour l’obtenir de moi et l’avoir pour vôtre ; et il ne vous en coûtera pas plus pour vous en charger, car il ne mange pas, ne boit pas et ne salit pas la maison ; en outre, il sera éternellement vôtre et vous durera plus longtemps que vos mitre, crosse, chape, mule et vie, comme, sans discourir beaucoup, vous pouvez le comprendre vous-même ainsi que d’autres. Ici, je suis persuadé, monseigneur révérendissime, que le don de cet âne ne sera pas ingrat envers votre prudence et votre piété. Et ce n’est point l’usage d’offrir à de grands maîtres un diamant, un rubis, une perle, un cheval parfait, un vase remarquable, ou encore un perroquet, un singe, petit ou grand, voire un âne, non ce n’est pas cet usage qui me fait parler ainsi.

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(Gallery Durand)

Car cet âne-ci, tout en étant nécessaire, est rare, doctrinal et il n’est pas comme les autres. L’âne indien est précieux et c’et un don papal à Rome ; l’âne d’Otrante est un don impérial à Constantinople (4) ; l’âne de Sardaigne est un don royal à Naples. Quant à l’âne cabalistique, qui est idéal et par conséquent céleste, voudriez-vous, vous, qu’il soit moins cher où que ce soit sur terre et à quelque important personnage que ce soit, alors que, par un certain effet de réciprocité bienveillante et supérieure, nous savons que ce qui est terrestre se trouve au ciel ? Je suis donc certain que vous l’accepterez avec le même esprit que celui avec lequel je vous en fais don.

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Tenez-le, ô mon père, s’il vous plaît, pour un, oiseau, car il est ailé, et c’est le plus gentil et le plus gai que l’on puisse garder dans une cage. Tenez-le, si vous le voulez, pour un fauve, car d’un côté il est unique, rare et parfait et, de l’autre, il n’est rien de plus vaillant que vous puissiez retenir dans un antre ou une caverne. Traitez-le, s’il vous plaît, en domestique, car il est obséquieux, affable et servile, et c’est le meilleur compagnon que vous puissiez avoir chez vous. Veillez à ce qu’il ne vous échappe pas des mains, car c’est le destrier le meilleur que vous puissiez nourrir ou, pour mieux dire, qui puisse se nourrir dans votre écurie ; c’est le meilleur camarade qui puisse vous tenir compagnie et vous divertir en chambre. Maniez-le comme un joyau et une chose précieuse, car vous ne sauriez avoir de trésors plus remarquables dans votre cachette. Touchez-le comme une chose sacrée et regardez-le comme une chose digne de haute considération ; car vous ne sauriez avoir de meilleur livre, de meilleure image ni de meilleur miroir dans votre cabinet. Tandem (5), si, malgré toutes ces raisons, il ne sied pas à votre appétit, vous pourrez le donner à quelqu’un d’autre qui ne devrait pas vous en être ingrat. Si vous le considérez comme un amusement, donnez-le à quelque bon chevalier qui le remettra entre les mains de ses pages, pour le garder soigneusement parmi les singes et les cercopithèques. Si vous le tenez pour une bête de trait, offrez-le à un paysan qui lui donnera asile entre son cheval et son bœuf. Si vous le considérez comme une bête sauvage, cédez-le à quelque Actéon qui le fera vagabonder entre les boucs et les cerfs. S’il vous paraît mignon, faites-en présent à quelque demoiselle pour laquelle il tiendra lieu de martre et de petite chienne. S’il vous semble finalement tenir du mathématicien, faites-en grâce à un cosmographe, pour qu’il aille ramper et sautiller entre les pôles arctique et antarctique de l’une de ces sphères armillaires, auxquelles il pourra donner le mouvement continu non moins avantageusement que le mercure épandu a pu le faire à celle d’Archimède, afin d’être plus efficacement le modèle du macrocosme, où la concordance et l’harmonie du mouvement rectiligne et circulaire dépendent de l’âme intrinsèque.

Mais si, comme je l’estime, vous êtes sage et si vous envisagez la question après mûre réflexion, vous le garderez par-devers vous, n’estimant pas que je vous aie offert une chose moins digne que celle que j’ai pu offrir au pape Pie V, à qui j’ai dédié L’Arche de Noé ; au roi Henri III de France, que j’immortalise avec Les Ombres des idées ; à son ambassadeur en Angleterre, à qui j’ai accordé Les Trente Sceaux(5) ; au Chevalier Sidney, auquel j’ai dédié La Bête triomphante.

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En effet, vous n’avez pas seulement ici la bête triomphante vivante, mais également les trente sceaux ouverts, la béatitude parfaite, les ombres éclaircies et l’arche gouvernée ; ici, l’âne (qui ne convoite ni la vie des roues du temps, ni l’ampleur de l’univers, ni la félicité de l’intelligence, ni la lumière du soleil, ni le baldaquin de Jupiter) est modérateur, annonciateur, consolateur, initiateur et président. Non, ce n’est en rien un âne d’écurie ou de troupeau, il fait partie de ceux qui peuvent paraître partout, aller partout, entrer partout, s’asseoir partout, communiquer, comprendre, conseiller, définir et faire tout. En effet, si je le vois piocher, arroser et irriguer, pourquoi ne voulez-vous pas que je le dise maraîcher ? S’il laboure, plante et sème, pourquoi ne sera-t-il pas agriculteur ? Pour quelle raison ne sera-t-il pas artisan, s’il est manœuvre, maître d’œuvre et architecte ? Qui m’empêchera de le dire artiste, s’il est inventif, actif et réparateur ? S’il est exquisément argumenteur, disserteur et apologétique, pourquoi ne vous plaira-t-il pas que je le dise scolastique ? Comme il est si excellemment formateur de coutumes, instituteur de doctrines et réformateur  de religions, qui se fera scrupule de le dire académicien et de l’estimer archimandrite de quelque archiacadémie (6) ?

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Pourquoi ne sera-t-il pas monastique, puisqu’il est choral, capitulaire et cellulaire ? S’il a fait vœu de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, me blâmerez-vous, si je le dis conventuel ? M’empêcherez-vous de l’estimer digne du conclave, étant donné qu’il peut s’élever par voix active et passive dans la hiérarchie, par l’élection et jusqu’à la prélature ? Si c’est un docteur subtil, irréfragable et illuminé, de quelle conscience ferez-vous preuve si vous ne voulez pas que je l’estime digne conseiller et le tienne pour tel ? Me tiendrez-vous la langue, pour qu’elle ne puisse le déclarer domestique étant donné que toute la moralité politique et économique loge dans cette tête-là ? La puissance de l’autorité canonique pourra-t-elle faire en sorte que je ne le tienne pas pour un pilier ecclésiastique, s’il s’offre à ma vue si pieusement, dévotement et chastement ? Si je le vois si haut, si béat et si triomphant, le ciel et le monde entier pourront-ils faire en sorte que je ne le nomme pas divin, olympien et céleste ? En conclusion (pour ne plus me casser la tête, ni ne plus vous casser la vôtre), c’est, ce me semble, l’âme même du monde, le tout dans le tout, et le tout dans quelque partie que ce soit. Vous voyez donc maintenant de quelle qualité et combien grande est l’importance de ce vénérable objet, à propos duquel nous faisons ce discours et ces dialogues. S’il vous semble voir dans ceux-ci une grosse tête dépourvue de buste ou munie d’une toute petite queue, ne vous effarez pas, ne vous indignez pas et ne vous étonnez pas. On trouve en effet dans la nature beaucoup d’espèces animales qui n’ont pour membre que la tête, ou qui ne sont, semble-t-il, qu’une tête, celle-ci se révélant énorme et les autres parties comme imperceptibles ; et cependant, ces espèces n’en sont pas moins des plus parfaites en leur genre.

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Et si cette raison ne vous satisfait pas, vous devez considérer en outre que cet opuscule renferme une description, une peinture et que, dans les portraits, il suffit le plus souvent de représenter seulement la tête sans le reste. Sans compter que ne faire qu’une main, un pied une jambe, un œil, une oreille délicate, la moitié d’un visage se détachant de derrière un arbre, ou depuis le petit angle d’une fenêtre ou sculpté dans le ventre d’une tasse – que sa base soit une patte d’oie, d’aigle ou de quelque autre animal – peut parfois donner un excellent résultat, dont la facture, loin donc d’y perdre ou de se déprécier, en est d’autant mieux accueillie et appréciée. Voilà pourquoi je me persuade, je suis même certain que vous accepterez ce don comme celui d’une chose aussi parfaite que le cœur des plus parfaits avec lequel elle vous est offerte.

Vale. (7)

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1 – Ministres du verbe divin, c'est-à-dire les réformés.

2 – Cf . Giordano Bruno, (Des fureurs héroïques) : « Et parmi les théologiens, seul Origène comme tous les grands philosophes a osé dire, après les Sadduccéens et autre réprouvés, que la révolution est vicissitudinale et éternelle et que tout ce qui s’élève doit retomber, ainsi qu’on peut le voir en tous les éléments, en tous les objets qui existent à la surface, au sein et aux entrailles de la nature. » (éd. Paul Henri Michel, Les Classiques de L’Humanisme, Les Belles Lettres, 1984, p. 114).

3 – Allusion obscène.

4 – Probablement, Bruno évoque avec ironie la lutte de la Sainte Ligue chrétienne (Espagne, Venise, Saint-Siège) contre l’invasion ottomane, la ville d’Otrante faisant face en Italie à celle de Lépante en Grèce, au large de laquelle fut mise en déroute pour la première fois la flotte turque.

5 – Œuvre publiée dés son arrivée à Londres en 1583 et dédiée à Michel de Castelnau, ambassadeur de France auprès de la reine Elisabeth.

6 – Néologisme, à valeur ironique.

7 – Adieu.

Source : La Cabale du Cheval Pégase, éditions Michel de Maule

1 avril 2007

Verba et Exempla, devise de Giordano Bruno… !

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Dernièrement, j’ai mis la patte sur un livre à vous décoincer les neurones :

La cabale du cheval pégase de Giordano Bruno.

Bon, il est vrai que quelques pages peuvent avoir le même effet que trois gélules de tranxène 50 mg, mais personnellement je n’ai pas sombré dans les bras de Morphée et je m’en suis délecté.

J’en ai tout particulièrement apprécié son «Épître dédicatoire au Révérendissime Seigneur Don Spatino, abbé successeur de San Quintino, évêque de Casamarciano » qui fera l’objet d’un prochain billet.

En attendant, pour vous mettre dans l’ambiance et vous inciter à découvrir son livre ; une petite piqûre de rappel de « Bruno Giordano »… !

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Non, ne partez pas, juste une petite dose ; pour ceux qui en voudraient encore, je vous ais mis quelques liens en fin de ce billet.

En cas de migraines survenues après la lecture de ce qui va suivre, il ne sera admis aucune demande de dédommagement… !

Giordano Bruno, philosophe et théologien italien est né à Nola, à côté de Naples en janvier1548, mort à Rome en février 1600.

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Se basant sur les travaux de Nicolas Copernic et Nicolas de Cuse, il démontre, de manière philosophique, la pertinence d'un Univers infini, peuplé d'une quantité innombrable de mondes identiques au nôtre.

Il fait des études à l'université publique de Naples, où il découvrira la mnémotechnique, l'art de la mémoire, qui constituera rapidement l'une de ses disciplines d'excellence.

Il prend aussi des cours particuliers, qui le mettent au cœur des débats philosophiques entre platoniciens et aristotéliciens.

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En juin 1565, il entre chez les Frères prêcheurs de San Domenico Maggiore, prestigieux couvent dominicain réputé pour la qualité des titres qu'il attribue. Il est alors un dominicain modèle, vivant selon la devise :

«  verba et exempla »

(Par le verbe et par l'exemple)

Il est ordonné prêtre en 1573, devient Lecteur en Théologie en juillet 1575.

Finalement, en février 1576, il doit abandonner le froc dominicain et fuir, une instruction ayant été ouverte à son encontre qui doit le déclarer hérétique.

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De 1576 à 1592 s’ensuivra une période d’errance au cours de laquelle il changera fréquemment de villes. Son procès durera de 1592 à 1600.

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Sous la torture, il lui arrive de concéder un geste de rétractation, mais se reprend toujours. Le pape Clément VIII somme une dernière fois Bruno de se soumettre, mais il répond : « Je ne crains rien et je ne rétracte rien, il n’y a rien à rétracter et je ne sais pas ce que j’aurais à rétracter. »

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Le 20 janvier 1600, Clément VIII ordonne au tribunal de l’Inquisition de prononcer son jugement.

Bruno répond :

« Vous éprouvez sans doute plus de crainte à rendre cette sentence que moi à l’accepter. »

Il sera brûlé vif sur le bûcher de l’inquisition en février 1600.

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(Gallery Durand)

Pourquoi ont ils brûlé Bruno et non Galilée ?

« Pourquoi l’église s’est elle excusée, avec cinq siècle de retard, d’avoir intimidé Galilée mais n’a-t-elle jamais regretté d’avoir brûlé Bruno ? Derrière une analogie superficielle, leurs cas sont complètement différents.

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Avant tout, Galilée, comme Copernic sont des savants, on dirait aujourd’hui des scientifiques. Ils ne se préoccupent pas de religion et si leurs découvertes peuvent contredire les convictions des représentants de l’église, ça n’est pas à dessin. Bruno, durant son procès, prétendra être dans le même cas. Mais ce n’est qu’un adroit système de défense. Giordano Bruno n’a jamais été un homme de science. Parmi les thèses qu’on lui reproche, la réincarnation, la non création du monde et la non virginité de Marie préoccupent certainement beaucoup plus ses accusateurs que les mouvements respectifs de la Terre et du soleil.

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C’est un prêtre défroqué, anarchiste avant l’heure, dégoutté de la religion et ennemi déclaré du christianisme, à travers le quel il perçoit hypocrisie, exploitation des masses, obscurantisme et persécution. Si ses ennemis finiront par lui donner raison, au moins sur ce dernier point, il y mettra du sien.

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Car, c’est la seconde différence avec Galilée et les siens. Ils sont roseaux, il est chêne. Galilée, qui s’était déjà montré plus futé pour soutenir le principe d’inertie, a bien compris que « Et pourtant, elle tourne. » est une phrase qui ne se prononce qu’à voix basse. Bruno pendant sept ans, de 1593 jusqu’à la fin que l’on sait, va jouer avec ses tortionnaires un incroyable jeu de chat et de la souris. Il se rétracte… mais pas tout à fait. Il n’a jamais voulu dire que… mais il maintient que… Il abjure tout, mais à condition que le Pape lui donne raison !

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Un jour, il n’a plus pour sortir qu’à signer une déclaration dont il a négocié chaque virgule et, tout à coup, un doute lui vient sur tel point de détail. Pendant tout ce temps, il est affamé, torturé et on a l’impression que c’est lui qui mène la danse. Il use ses bourreaux, il excède l’Inquisiteur Suprême, le Cardinal de Santaseverina, il tue à la tâche ses tortionnaires. »

Quelques uns de ses ouvrages :

La Cena de le Ceneri (Le banquet des cendres)   

De la causa, principio, et Uno (La cause, le principe et l’un)   

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De l’infinito universo et Mondi (De l’infini, l’univers et les mondes)

Où il expose sa vision cosmographique audacieuse et révolutionnaire. Il y reprend les thèses coperniciennes du monde, et les approfondissant en imaginant un univers peuplé d’une infinité de mondes.

Spaccio de la Bestia Trionfante (L’expulsion de la bête triomphante) s’attaque aux attitudes calvinistes et catholiques.   

De gl’ heroici furori (Les fureurs héroïques) élimine l’idée d’un monde centré, présente un univers où Dieu n’a plus de lieu.

Cabala del cavallo Pegaseo (La cabale du cheval de Pégase) opuscule satirique, qui démolit systématiquement la vénérable référence aristotélicienne ; son « Épître dédicatoire au Révérendissime Seigneur Don Spatino, abbé successeur de San Quintino, évêque de Casamarciano » fera l’objet d’un prochain billet.

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Sources :

http://www.bruno-giordano.net/fr/index.html

http://www.astrofiles.net/article54.html

http://anti-phoenix.org/PlaneTes.htm 

http://g.courtial.free.fr/bruno.htm

15 janvier 2007

La Flûte Enchantée !

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Votre  curieux serviteur de SURICATE, hier au soir, était sur une autre planète.

Mozart, étant le seul « Dieu » en qui je crois, je me devais d’aller voir un de ses opéras, adapté pour le cinéma par Kenneth Branagh, afin de comparer avec le film de Bergman.

Le théâtre "Aus der Wiener" où elle fut créée le 30 septembre 1791, n'était qu'un petit théâtre de faubourg. C’était une comédie musicale s'adressant à des gens qui n'avaient pas les moyens d’assister aux grands opéras impériaux. A l’origine, Mozart a imaginé sa flûte dans un monde imaginaire.

Kenneth Branagh a su faire un excellent film à partir d'un opéra déjà excellent de Mozart, il lui a suffit d'adapter l'oeuvre à l'époque de la première guerre mondiale.

Ce choix m'a enthousiasmé, car l'oeuvre est très proche de cette réalité de la guerre entre le bien et le mal ! Il nous est facile alors de comprendre que le Serpent terrassé par les servantes de la Reine de la Nuit (bien suggéré par le gaz moutarde, s’insinuant subrepticement partout, jusque dans les tranchées, sensées protéger ces « Chairs à canon », était une émanation de la bêtise humaine.

Nous retrouvons ce symbole du mal, par les chars que vomit la bouche de la Reine.

Autre plan-séquence qui nous explose à la figure et nous interpelle sur la folie humaine ;

la colline couverte de tombes blanches aux inscriptions en différentes langues, avec en arrière plan, un immense champ de bataille demandant toujours plus de morts !

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Le héros, Tamino, sauvé par la Reine de la Nuit, qui veut le dominer en suscitant en lui la haine, doit comprendre seul, simplement guidé par la quête de la vérité.

Jusqu'au générique de fin, je suis resté sous le charme, ébahi, béat d'admiration par les décors, les couleurs, les effets spéciaux qui nous font virevolter etc.

Les « Puristes », vont couvrir le chant d’amour de Tamino et Pamina, en s’égosillant à pousser des cris d’orfraie pour dénoncer, que l’œuvre initiale à été trop dénaturée, je pense au clin d’œil à Dali et sa « Bouche » ; sortons des sentiers battus, j’ai adoré !

Je ne vais pas vous dévoiler tous les plans séquences, à vous d’aller chanter, rire, pleurer avec cette « Flûte Enchantée » qui est un véritable joyau !

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Un film que je conseille humblement, à ceux que l’opéra rebute, par la difficulté à en décrypter les arcanes pour les non initiés.

Je suis ressorti, plus amoureux de la musique, plus enchanté que la flûte elle-même !

http://www.linternaute.com/video/cinema/la-flute-enchantee-bande-annonce/

22 novembre 2006

Les trois Grâces !

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Le vieux mot latin gratia se rattache à une racine indo iranienne à valeur religieuse, d’où le sanskrit gir, « chant de louange », et le grec charisma. Il désignait à la fois le don des dieux, leur faveur pour les créatures et la reconnaissance des hommes pour cette faveur. D’où une évolution complexe, dont témoignent d’autres mots : congratuler, gratuit, gracieux. La notion de bonté divine s’est estompée au profit de celle de pardon et de reconnaissance, puis de charme physique.

Les trois Grâces (en grec, les Charites). Divinités antiques de la nature, elles avaient un don de plaire communicatif. Chez les grecs, le culte d’Aglaé l’éclatante, Euphrosyne la joyeuse, Thalie la florissante comportait des concours de poèmes et de musique. Assistantes d’Aphrodite, déesse de l’Amour, elles ont été beaucoup célébrées par les poètes, comme Pindare leur disant :

« Avec vous, tout devient charmant et doux. Par vous l’homme est sage, l’homme est charmant ».

A l’époque archaïque, elles sont toujours représentées vêtues. Plus tard, notamment à l’époque hellénistique (IIIe siècle av. J .C) et romaine, le motif le plus répété et fréquemment reproduit à la Renaissance et dans les temps modernes est celui de la ronde des Grâces nues, peut-être sous l’influence iconographique du jugement de Pâris.

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La reine Catherine de Médicis eut la singulière idée de demander au sculpteur Germain Pilon de réaliser le groupe des trois Grâces, très légèrement vêtues, pour servi r de piédestal à l’urne contenant le cœur de feu Henri II, son époux. L’artiste, dit-on statufia ainsi la reine elle-même et deux de ses amies : la duchesse d’Etampes et Mme de Villeroi.

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L’urne a disparu, mais on peut admirer au Louvre ce chef-d’œuvre de la Renaissance

18 novembre 2006

Autre n’aurai !

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Devise adoptée en 1429 par le duc de Bourgogne Philippe le Bon (1419 – 1467), lors de son troisième mariage, avec Isabelle de Portugal.

AVOIR, très utilisé comme auxiliaire, ce qui en affadit la signification, a aussi des sens particuliers moins employés, mais beaucoup plus forts : « posséder », à titre de richesse ou de bien ; « obtenir pour partenaire amoureux », « posséder charnellement » (sens fréquent jusqu’au XIX e siècle) ; « surpasser ».

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AVOIR, fut très employé comme mot de la stratégie amoureuse du XVIIIé siècle, surtout par les mâles, et non sans prétention : ainsi le chansonnier Jean-Joseph Vadé (1720 – 1757) eut-il affaire à un Don Juan de salon, qui lui déclara avec un accent affecté et bizarre :

- J’ai e-u la comtesse de …, j’ai e-u la belle madame de …

- Que me racontez-vous là ? Jupiter fut plus heureux que vous, il a e-u i-o., répondit Vadé.

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