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Grains de sel
18 février 2010

Le testament du curé *Meslier… !

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(**Tableau Clovis Trouille)

Je rassure mes fidèles, n’ayant pas eu le temps de vous raconter la fin de ma visite chez les croques morts, ce n’est pas mon testament de curé défroqué. Pour ceux qui ne se souviennent pas de mon premier contact avec les pompes funèbres, ou ne l’ont pas lu c’est  ICI … !

Pour faire suite au Docteur Tronchin et ses vapeurs, il serait temps qu’après la médecine du corps et de l’esprit, je vous conseille de suivre les préceptes d’un autre visionnaire, en vous recommandant de ne point vous laisser embobiner par des discours apocryphes… !

Je vous laisse avec ce curé athée.

« Mes chers amis, puisqu'il ne m'aurait pas été permis et qu'il aurait été d'une trop dangereuse et trop fâcheuse conséquence de dire ouvertement, pendant ma vie, ce que je pensais de la conduite et du gouvernement des hommes, de leurs religions et de leurs moeurs, j'ai résolu de vous le dire après ma mort.

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Ce serait bien mon inclination de vous le dire de vive voix avant que je meure, si je me voyais proche de la fin de mes jours et que j'eusse encore pour lors l'usage libre de la parole et du jugement. Mais comme je ne suis pas sûr d'avoir, dans ces derniers jours, le temps ni toute la présence d'esprit qui me seraient nécessaires pour vous déclarer alors mes sentiments, c'est ce qui m'a fait maintenant entreprendre de vous les déclarer ici par écrit, afin de tâcher de vous désabuser, au moins tard et autant qu'il serait en moi, des vaines erreurs dans lesquelles nous avons eu tous, tant que nous sommes, le malheur de naître et de vivre. (...)

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C'est l'égoïsme et l'ambition brutale qui sont la source et l'origine de tous ces superbes titres de seigneurs, de prince, de roi, de monarque et autres tyrans qui nous oppriment. Et aussi la source et l'origine de tous ces prétendus saints et sacrés caractères d'ordre et de puissance ecclésiastique et spirituelle que s'attribuent les prêtres et les évêques. La religion soutient le gouvernement politique, si méchant qu'il puisse être, et à son tour le gouvernement soutient la religion, si sotte et si vaine qu'elle puisse être.

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Plus j'ai avancé en âge et en connaissance, plus j'ai reconnu l'aveuglement et la méchanceté des hommes, plus j'ai reconnu la vanité de leurs superstitions et l'injustice de leur gouvernement (...)

J'ai vu, et on voit encore tous les jours, une infinité d'innocents malheureux, persécutés sans raison et opprimés avec injustice, sans qu'ils trouvassent aucun protecteur secourable pour les secourir (...)

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D'un côté, les prêtres recommandent, sous peine de malédiction et de damnation éternelle, d'obéir aux magistrats, aux princes et aux souverains, comme étant établis de Dieu pour gouverner les autres, et les princes de leur côté font respecter les prêtres, leur font donner de bons appointements et de bons revenus et les maintiennent dans les fonctions vaines et abusives de leur faux ministère, contraignant le peuple de regarder comme saint et sacré tout ce qu'ils font et tout ce qu'ils ordonnent aux autres de croire et de faire, sous ce beau et spécieux prétexte de religion et de culte divin.

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Et ne croyez pas que je vise ici seulement les religions dites fausses, en exceptant au moins de ce nombre la religion catholique. Point. Elle n'est pas moins superstitieuse qu'une autre; elle n'est pas moins fausse dans ses principes, ni moins ridicule et moins absurde dans ses dogmes et maximes.

Il n'y en a point qui aient poussé si loin l'autorité absolue, ni qui aient rendu leurs peuples si pauvres, si esclaves et si misérables; il n'y en a point qui aient fait répandre tant de sang, qui aient fait tuer tant d'hommes, qui aient fait tant verser de larmes aux veuves et aux orphelins que ce dernier roi Louis XIV, surnommé le Grand, non véritablement pour les grandes injustices, pour les grandes voleries, pour les grandes usurpations, pour les grandes désolations, et pour les grands ravages et carnages d'hommes qu'il a fait faire de tous côtés, tant sur terre que mer.(...)

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Où sont ces généreux meurtriers des tyrans que l'on a vus aux siècles passés? Où sont les Brutus et les Cassius? Où sont ces généreux défenseurs de la liberté publique, qui chassèrent les rois et les tyrans de leur pays, en donnant licence à quiconque de les tuer? Où sont Jacques Clément et les Ravaillac de notre France? Que ne vivent-ils encore de nos jours pour assommer et pour poignarder tous ces détestables monstres et ennemis du genre humain et pour délivrer, par ce moyen, les peuples de la tyrannie? Non, ils ne vivent plus, ces grands hommes, et on ne voit plus maintenant dans le monde que de lâches et misérables esclaves!

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La première erreur morale du christianisme, c'est qu'elle fait consister la perfection de la vertu et le plus grand bien dans l'amour et la recherche des douleurs et des souffrances, suivant les maximes de jésus Christ, qui disait que bienheureux sont les pauvres, que bienheureux sont ceux qui ont faim et qui ont soif, que bienheureux sont ceux qui souffrent de persécution pour la justice.

Cette maxime morale de nos Christicoles est absolument fausse, parce que c'est toujours une erreur et même une folie d'aimer et de rechercher des douleurs et des souffrances, sous prétexte de conquérir des biens et des récompenses éternelles qui ne sont qu'imaginaires.

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(Tableau Clovis Trouille)

« Lire : Oh ! Quel cul t’as ! »

Pareillement ; c'est une erreur de la morale chrétienne de condamner, comme elle le fait, tous les plaisirs naturels de la chair, et non seulement les actions et les oeuvres naturelles de la chair, mais aussi tous les désirs et toutes les pensées volontaires d'en jouir. C'est une erreur dans cette morale de regarder toutes ces choses comme des actions ou des pensées criminelles dignes de punition éternelle. Car, comme il n'y a rien de plus naturel et de plus légitime que cette inclination qui porte tous les hommes à ce penchant, c'est en quelque sorte condamner la nature même que de considérer comme vicieuse et comme criminelle, dans les hommes et dans les femmes, une inclination qui leur est si naturelle et qui leur vient du fond le plus intime de leur nature, pensées, désirs qui sont si légitimes et si nécessaires à la conservation et à la multiplication du genre humain. Sots à mon avis, ceux qui, par bigoterie et superstition n'oseraient goûter au moins quelquefois ce qui en est.

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Une autre erreur de cette morale, c'est qu'il faille aimer ses ennemis, qu'il ne faille pas se venger des injures et qu'il ne faille pas même résister aux méchants.

Ainsi, il faut bénir ceux qui nous maudissent, faire du bien à ceux qui nous font du mal, nous laisser dépouiller, et souffrir toujours paisiblement les injures et les mauvais traitements. Ce sont là des maximes contraires au Droit naturel, à la raison, et à la justice qui nous conseillent de repousser le mal et de nous défendre quand nous sommes injustement attaqués.

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Elles tendent à favoriser les méchants et leur oppression des bons et des faibles, elles les autorisent dans leur malice et leur méchanceté. N'est-ce pas vouloir que les bons s'abandonnent eux-mêmes en proie aux méchants et à leurs ennemis, les laissent librement faire tout ce qu'ils veulent ?

Tous les hommes sont égaux par la nature, ils ont tous également le droit de vivre et de marcher sur la terre, et d'avoir part aux biens de la terre en travaillant utilement les uns et les autres pour avoir les choses nécessaires et utiles à la vie.

Il n'y a rien de si abject, de si pauvre, de si méprisé que les paysans de France : ils sont les esclaves des grands et des nobles, sans compter ce que les ecclésiastiques exigent injustement de ces pauvres malheureux.

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On a bien raison de comparer ces gens-là à des vermines, car ils ne font que tourmenter, ronger et manger le pauvre peuple. La religion se fait leur complice. Elle menace les ignorants du diable, comme si les diables pouvaient être plus hideux que tous les beaux messieurs, grands et nobles, que toutes les belles demoiselles, parées, frisées et poudrées, qui sont les plus grands ennemis du peuple et lui font tant de mal.

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...cette quantité de riches fainéants qui, sous prétexte qu'ils ont de quoi vivre de ce qu'ils appellent leurs rentes, ne se livrent à aucun travail ! De quelle utilité sont ces gens-là, riches fainéants et mangeurs de la substance du peuple ? N'est-ce pas la misère que cette quantité prodigieuse d'ecclésiastiques et de prêtres inutiles, d'abbés, de prieurs et de chanoines, de moines et de moinesses, qui ne sont d'aucune nécessité ? Quels services rendent-ils au public ? Aucun. Et, cependant, ce sont les mieux rentés et les mieux pourvus de tous les biens et de toutes les commodités de la vie : ils sont les mieux logés, les mieux chaussés, les mieux nourris, les moins exposés aux injures du temps et des saisons. S'ils tombent quelquefois dans des maladies ou des infirmités, ils sont si promptement et si soigneusement secourus que le mal n'a presque pas le temps de les offenser.

Ils font des voeux de pauvreté et de renoncement, ils font profession de vivre dans la mortification du corps et de l'esprit.

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(Tableau Clovis Trouille)

C'est pourquoi leurs couvents sont comme des maisons de seigneurs, comme des palais de princes, leurs jardins sont comme des paradis terrestres, leurs cuisines sont toujours abondamment fournies. Ils ont le bonheur de récolter abondamment là où ils n'ont rien semé. C'est une injustice, criante de faire manger ainsi à des fainéants la nourriture que, seuls, les bons ouvriers devraient avoir ; c'est une injustice criante d'arracher de leurs mains ce qu'ils gagnent et ce qu'ils font venir à la sueur de leur corps pour le donner à des moines inutiles. Comme si on avait à faire de tous ces gens-là, de tous ces diseurs de messes et de bréviaires, d'oraisons et de chapelets !

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A quoi sert qu'ils se déguisent sous tant de diverses et ridicules formes d'habits, qu'ils s'enferment dans des cloîtres, qu'ils marchent pieds nus, qu'ils se donnent la discipline, qu'ils aillent à certaines heures du jour ou de la nuit chanter psaumes et cantiques ? Les oiseaux sauvages chantent et ramassent assez dans les champs et dans les bois. Les peuples n'ont que faire de nourrir tant de gens pour ne faire que chanter dans les temples.

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Quand tous les moines et tous les prêtres célébreraient chacun vingt, trente et même cinquante messes par jour, elles ne vaudraient pas à elles toutes un seul clou à soufflet, comme on dit. Un clou est utile et nécessaire, on ne saurait s'en passer en nombre de choses, mais toutes les prières, toutes les oraisons et toutes les messes ne sont utiles qu'à faire venir de l'argent à ceux qui les disent. Un seul coup de hoyau qu'un pauvre manouvrier donne en terre pour la cultiver est utile et sert à faire venir du grain pour nourrir l'homme. Un bon laboureur en fait venir avec sa charrue plus qu'il ne lui en faut pour vivre ; mais tous les prêtres ensemble ne sauraient avec toutes leurs prières et tous leurs prétendus saints sacrifices de messes, contribuer à la production d'un seul grain.

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La profession des moindres artisans est utile et nécessaire dans les Républiques, celles même des comédiens et des joueurs de flûte et de violon ont leur mérite et leur utilité, car les gens de cette profession servent au moins à réjouir et à divertir agréablement les peuples. Il est bien juste que ceux qui, tous les jours, s'occupent utilement au travail et même à des travaux pénibles et laborieux, il est bien juste, di-je, qu'ils aient au moins quelques heures de divertissement. Mais la profession des prêtres et des moines n'est qu'une profession d'erreurs, de superstitions et d'impostures, et, par conséquent, bien loin qu'elle doive être censée utile et nécessaire dans une bonne et sage République, elle devrait, au contraire, y être regardée comme nuisible et pernicieuse, et ainsi, au lieu de gratifier si bien les gens d'une telle profession, il faudrait absolument les interdire, toutes les superstitieuses et abusives fonctions de leur ministère et les obliger à s'occuper à quelque honnête et utile exercice, comme font les autres.

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On a besoin dans toutes les paroisses de quelque berger ou de quelque porcher pour garder les troupeaux, on a besoin partout de fileuses de laine et de blanchisseuses de linge. Mais quel besoin a-t-on, dans une République, de tant de prières, de tant de moines et de moinesses, qui vivent dans l'oisiveté et dans la fainéantise ?

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(Tableau Clovis Trouille)

Si les hommes possédaient et jouissaient également en commun des richesses, des biens et de commodités de la vie, s'ils s'occupaient unanimement tous à quelque honnête et utile travail, ils vivraient tous heureux et contents, car la terre produit assez abondamment pour les nourrir et les entretenir ; personne ne serait en peine ni pour soi, ni pour ses enfants de savoir où il logerait, personne n'aurait à se tuer soi-même par des excès de fatigue et de travail.

Vous étonnez-vous, pauvres peuples, que vous ayez tant de mal et tant de peines dans la vie ? C'est que vous portez seuls tout le poids du jour, c'est que vous êtes chargés non seulement du fardeau de vos rois et de vos princes qui sont vos premiers tyrans, mais encore de toute la noblesse, de tout le clergé, de toute la moinerie, de tous les gens de justice, en un mot, tout ce qu'il y a de gens fainéants et inutiles dans le monde.

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(Tableau Clovis Trouille)

Les moines n'ont eu garde de renoncer aux avantages de la vie en commun. Aussi sont-ils toujours dans un état florissant, ne sentent-ils jamais les misères ni les incommodités de la pauvreté : leurs couvents sont aussi superbement bâtis que des palais, leurs maisons sont des réservoirs de tous les biens et de toutes les commodités.

Que les hommes ne s'entendent-ils pas de même pour jouir de la vie en commun, dont les avantages sont évidents et incalculables ?

Mais les grands et les nobles ont intérêt à ce que cet état ne s'établisse pas. Ils préfèrent la division des hommes qui leur permet de les pressurer, de les dépouiller, sachant leur inspirer une telle crainte que ceux-ci n'osent même résister, alors même que les princes les obligent à se précipiter sur les autres peuples pour des intérêts qui ne sont pas les leurs.

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(Tableau Clovis Trouille)

L'ordre naturel est ainsi entièrement perverti dans le royaume. La France est victime de l'ambition de ses rois, tout s'y rapporte à une vaine image de gloire et ne rend que plus pesantes les chaînes sous lesquelles elle gémit.

Sur quelles bases ont-ils fondé cette prétendue certitude de l'existence d'un Dieu ? Sur la beauté, l'ordre, sur les perfections des ouvrages de la nature ? Mais pourquoi aller chercher un Dieu invisible et inconnu pour créateur des êtres et des choses, alors que les êtres et les choses existent et que, par conséquent, il est bien plus simple d'attribuer la force créatrice, organisatrice, à ce que nous voyons, à ce que nous touchons, c'est à dire à la matière elle-même ?

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(Tableau Clovis Trouille)

Toutes les qualités et puissances qu'on attribue à un Dieu placé en dehors de la nature, pourquoi ne pas les attribuer à la nature même qui est éternelle ?

Rien ne se crée. Rien ne se perd. Le temps ni l'espace n'ont été créés : car si un être avait créé le temps, il eût fallu qu'il fût hors du temps et rien ne peut être hors du temps. Pour créer l'espace, il eût fallu qu'il fût hors de l'espace, et rien ne peut être hors de l'espace. Enfin pour créer la matière, il eût fallu qu'il fût hors de la matière et rien ne peut être hors la matière.

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(Tableau Clovis Trouille)

Le monde est un mélange confus de bien et mal ; il s'ensuit évidemment qu'il n'a pas été créé par un être infiniment parfait, et, par conséquent, il n'y a pas de Dieu.

Que diriez-vous, Messieurs les Déicoles, d'un père de famille qui pouvant tout bien régler et gouverner, qui pouvant donner à ses enfants de belles perfections, voudrait néanmoins tout abandonner à la conduite du hasard et laisser venir les enfants beaux ou laids, sains ou malades ? Serait-ce là un père parfaitement bon ? Le berger qui n'a pas créé ses brebis s'efforce de les protéger contre les dangers, la maladie ou la dent du loup. Que diriez-vous de lui s'il prenait plaisir à les regarder aller à leurs risques dans les marécages pestiférés ou dans les antres des bêtes féroces ?

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(Tableau Clovis Trouille)

Ah! L’autre vie ! L’âme immortelle ! Est-ce que nous ne sentons pas, intérieurement et extérieurement par nous-mêmes, que nous ne sommes que matière, et que nos pensées les plus spirituelles ne sont que de la matière de notre cerveau, qu'elles sont le résultat de sa constitution matérielle et que ce que nous appelons notre âme n'est en réalité qu'une portion de la matière, la plus délicate et la plus subtile ?

L'âme n'est ni spirituelle ni immortelle. Elle est matérielle et mortelle aussi bien que le corps. Il n'y a donc point de récompense à espérer ni de châtiments à craindre après cette vie. Il n'y a point de bonté souveraine pour récompenser les justes et les innocents, point de justice souveraine pour punir les méchants. Il n'y a point de Dieu.

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Mais il y a l'homme, il y a la terre, il y a la vie, il y a le sentiment de l'équilibre et de la justice, et c'est sur cette terre qui lui appartient, dans cette vie qui est sienne, que l'homme doit réaliser la justice, le bonheur, la solidarité et la fraternité universelle. Ce n'est pas en Dieu que l'homme doit chercher la puissance, la bonté, la perfection, c'est en lui-même : par l'instruction il deviendra savant, c'est à dire puissant ; par l'éducation, il se fera juste, c'est à dire bon ; par l'aide mutuelle et la solidarité, il réalisera sur la planète qui est son domaine la perfection possible. Il faut avoir le courage de rejeter toutes les idées préconçues et surtout d'effacer ce préjugé de la perfection des choses actuelles, comme ayant été créées définitivement par l'ordre d'un Dieu. Tout est en mouvement, tout se transforme, tout progresse.

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La matière a institué, par des modes de mouvement, tous les différents effets ou ouvrages que nous voyons dans la nature : il n'y a que des efforts naturels. La matière obéit à des lois qui, jusqu'ici, nous semblent toujours identiques à elles-mêmes, et cependant il nous appartient d'en modifier l'expression, par exemple, dans les plantes ou arbres sur lesquels nous pouvons mettre des greffes de différentes natures. La vie corporelle, soit des hommes, soit des bêtes, soit des plantes, n'est qu'une espèce de modification et de fermentation continuelle de leur être, c'est à dire de la matière dont ils sont composés, et toutes les connaissances, les pensées et les sensations qu'ils peuvent avoir ne sont, que diverses autres modifications et fermentations.

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Levez-vous, unissez-vous contre vos ennemis, contre ceux qui vous accablent de misère et d'ignorance. Rejetez entièrement toutes les vaines et superstitieuses pratiques des religions. N'ajoutez aucune foi aux faux mystères, moquez-vous de tout ce que les prêtres intéressés vous disent. Car c'est là la cause funeste et véritable de tous vos maux...Votre salut est entre vos mains, votre délivrance ne dépend que de vous, car c'est de vous seuls que les tyrans obtiennent leur force et leur puissance.

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Unissez-vous donc, ô peuples ! Unissez-vous tous, si vous avez du coeur, pour vous délivrer de vos misères communes. Commencez d'abord par vous communiquer secrètement vos pensées et vos désirs. Répandez partout le plus habilement possible des écrits semblables à celui-ci par exemple, rendez odieux partout le gouvernement tyrannique des princes et des prêtres. Secourez-vous dans une cause si juste et si nécessaire et où il s'agit de l'intérêt commun de tous les peuples...

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Retenez pour vous-mêmes ces richesses et ces biens que vous faites venir à la sueur de votre corps, n'en donnez rien à tous ces superbes et inutiles fainéants, rien à tous ces moines et à ces ecclésiastiques qui vivent inutilement sur la terre, rien à ces orgueilleux tyrans qui vous méprisent... que vos enfants, vos parents, vos alliés quittent leur service, excommuniez-les de votre société. Ils ne peuvent pas se passer de vous, vous pouvez vous passer d'eux et n'ayez pas d'autre religion que de maintenir partout la justice et l'équité, de vous aimer les uns les autres et de garder inviolablement la paix et la bonne union entre vous.

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Après cela, qu'on en pense, qu'on en juge, qu'on en dise ce que l'on voudra, je ne m'embarrasse pas. Que les hommes s'accommodent et se gouvernent comme ils veulent, qu'ils soient sages ou qu'ils soient fous, qu'ils disent ou qu'ils fassent de moi ce qu'ils voudront après ma mort, je m'en soucie fort peu. Je ne prends déjà presque plus de part à ce qui se fait dans le monde. Les morts avec lesquels je suis sur le point d'aller ne s'embarrassent plus de rien et ne se soucient plus de rien. Je finirai donc ceci par le rien, aussi ne suis-je guère plus que rien et bientôt je ne serai plus rien. »

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*Jean Meslier, né le 15 juin 1664, décédé au début de l’été

1729, a

exercé son ministère durant quarante ans. Il est connu pour avoir écrit le premier texte de l’athéisme en Europe, intitulé : "Mémoire des pensées et des sentiments de Jean Meslier prêtre curé d’Estrépigny et de Balaive sur une partie des erreurs et des abus de la conduite du gouvernement des hommes où l’on voit des démonstrations claires et évidentes de la vanité et de la fausseté de toutes les divinités et de toutes les religions du monde".  Un homme de religion qui aurait subverti deux siècles plus tôt toutes les formes de la société occidentale inégalitaire et spiritualiste ?

Je vous laisse méditer cet extrait de l'inhumanité de la religion par Raoul Vaneigem.

« Où la misère et la souffrance progressent, la religion renifle avec avidité. N'est-ce pas là que s'applique le mieux son vieux remède : donner du prix à la mort et à la douleur en dépréciant la vie au nom de l'esprit qui la désincarne ?

[...] la religion est l'esprit d'une économie qui fonde son contrat d'exploitation sur la pérennité d'un mandat céleste et renouvelle sans cesse le totalitarisme en le combattant avec les armes de l'esclavage. »

Je relèverai les copies après mon sermon de dimanche… !

** Une exposition consacrée à Clovis Trouille  a lieu à l’Isle Adam jusqu’au 10 mars 2010

Ce billet est un peu long, mais par respect pour son auteur, je ne pouvais le saucissonner… !

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Ce billet est un peu long, mais je ne pouvais par respect pour son auteur le saucissonner… !

L’église se sentant attaquée a entrepris une campagne de Pub… !

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11 février 2010

Madame a ses vapeurs (6) et fin… !

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(Sculpture *Xavier Veilhan)

C’est le médecin en vogue, le médecin à la mode que les caricaturistes du temps représenteront écrasant ses confrères sous les roues de son carrosse, ou bien sous les traits d’un porteur d’eau sur les seaux duquel est écrit : « Buvez de l’eau, buvez de l’eau ! ».

           Le Courrier de Paris du 10 janvier dit : « M.Tronchin fait toujours grand bruit… ». Voltaire écrira à ce médecin qu’il porte aux nues parce qu’il l’a guéri « d’un rhumatisme horrible, universel », puis de « fluxions perfides qui lui mettent un bruit de moulin dans la tête », et enfin de l’impression qu’il éprouve sans cesse « de s’évaporer comme du bois sec ».

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           O Esculape Apollon ! Tandis que les habitants de Paris vous dressent des autels, recevez ma chandelle, tandis que vous déracinez des préjugés et que vous inoculez nos princes et que tout le monde court après vous, souffrez que je vous remercie de n’avoir point dédaigné le Marais et d’avoir bien voulu faire des miracles à Capharnaüm comme à Jérusalem !...O Tronchin, fils de Tronchin, cousin de Tronchin, soyez béni !...

           On pense bien qu’un tel succès ne va pas sans revers. Les libelles, les écrits satiriques n’épargnent pas plus Tronchin que les caricatures.

On chansonne ainsi le grand médecin :

Tronchin, je ris avec raison,

De voir courir à ta maison

Ce tas de petites maîtresses,

Coquettes, prudes et Lutèces,

Cet essaim de blondins oisifs,

Ces idoles de leurs carcasses,

Enfin, tant d’hypocondres faces,

C’est moins leur confiance en toi,

Qui, dès le matin, à ta porte,

Conduit leur nombreuse cohorte,

Que la seule contagion

Qu’on appelle aujourd’hui bon ton

                                      -----------------------------------------

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                                      Dans un cercle, avec complaisance,

                                      On étale ton ordonnance ;

                                      L’on dit : Tronchin m’a dit cela,

                                      Tronchin par ci, Tronchin par là ;

                                      Tronchin, pour une défaillance,

                                      Me prescrit d’aller en Provence ;

                                      Tronchin m’ordonne le savon,

                                      Le foin, l’avoine, le chardon ;

                                      Enfin, tronchin est admirable,

                                      Délicieux, incomparable ;

                                      Auprès de lui, tous nos docteurs

                                      Ne sont que de vrais radoteurs.

           On écrit sur lui les « Tronchinades », poème burlesque en trois chants, dont voici un fragment :

                                               Depuis que vous êtes ici,

                                      Nous ne gagnons plus une obole.

                                      Chez nous, nous périssons d’ennui :

                                      On vous croit comme le symbole.

                                      * * * * * * * * * * * * * * * * * *

53

                                      Vous décriez notre méthode,

                                      La saignée et les lavements,

                                      Qui, de tous temps, sont à la mode

                                      Et sont nos premiers éléments.

                                      * * * * * * * * * * * * * * * * * *

                                      Vous guérissez comme un apôtre,

                                      Vous vous exprimez comme un autre,

                                      Et tout le monde vous entend ;

                                      Vous parlez peu mais sensément,

                                      Toutes vos raisons sont sensibles,

                                      Vos recettes intelligibles.

                                      A l’hypocondre, aux vaporeux,

                                      Sans user d’aucun artifice,

Vous n’ordonnez, vous moquant d’eux,

Que la diète et l’exercice

Pour peu que vous restiez encore,

Nous n’avons qu’à fermer boutique,

Car nous n’avons plus de pratique,

Et nos malades n’ont plus d’or.

Puis, vous n’êtes pas catholique,

Mais à cela je ne dis rien,

Est-il médecin qui se pique

D’être seulement bon chrétien ?...

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A méchanceté, la jalousie, que dis-je, la fureur de ceux « qui n’avaient plus qu’à fermer boutique », ne s’en tiennent pas à des chansons, et les accusations les plus flétrissantes pleuvent sur lui. C’est encore le tribut à payer à la renommée, au succès.

Il fait de la médecine comme un pirate, écrit Collé (Journal historique ou Mémoires critiques et littéraire, avril 1756)  à propos du premier voyage à Paris de Tronchin, recevant de toutes mains, donnant des ordonnances qui ne pouvait faire ni bien ni mal, mais prenant toujours les louis d’or de nos badauds, n’examinant point, ne suivant point ses malades, les abandonnant même comme un malhonnête homme. Il a emporté de ce pays un argent immense. Jamais médecin n’a eu une vogue pareille, c’était une fureur, il y entrait du fanatisme.

           Et de cette vogue, du reste, Tronchin s’excuse presque. Il répond à ce reproche d’avoir vu trop de malades : « Si j’avais été le maître, j’en aurais moins vu… » Ou bien :

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        Tout cela s’est fait à mon corps défendant, et j’ai été forcé dans ma propre maison, à recevoir malgré moi la foule des vaporeux et des curieux qui y sont entrés de force. Si quelqu’un fait profession de regarder comme criminelle une pratique trop nombreuse, j’ose vous dire que c’est moi…

           Il est à croire que l’homme qui a écrit : « Faites toujours votre devoir, le compte que vous en rendrez à vous-même sera une source de contentement que l’envie et l’injustice ne peuvent faire tarir », était sincère.

           Il montre du reste en toute circonstance une grande élévation d’âme : on peut dire qu’il s’imposa à ses contemporains par sa supériorité morale. Sa correspondance nous révèle du reste l’aversion qu’il avait pour le faux, le manque de sincérité, la flatterie. 

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         Tout serait à citer des lettres du grand médecin à ses malades ; nous y verrions quel appui moral il savait être pour les malheureux déséquilibrés qui s’adressaient à lui, et comment il cherchait à guérir leur physique en leur prêchant l’énergie et tout ce qui peut donner le courage de souffrir sans révolte et d’endurer patiemment ses maux ; nous y puiserions aussi des conseils dont, en tous temps, on peut faire son profit.

            Je me borne à glaner seulement ces quelques passages :

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            Que ne puis-je indiquer les moyens de diminuer la sensibilité de l’âme, écrit-il à la marquise de Lambert, j’abrégerais bien toute ma besogne ; mais comment vaincre une sensibilité qui tient au caractère et qui expose sans cesse le genre nerveux à des secousses inévitables ? C’est ici le triomphe de la raison qui est le seul antagoniste du sentiment. Et ce n’est qu’en la fortifiant qu’on peut espérer enfin de lui donner une supériorité qui est si nécessaire au bonheur de la vie et à la santé du corps. Je dis qu’on perd exactement en raison ce que l’on gagne en sentiment, qu’une âme trop sensible détruit le corps et que la raison fortifie.

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         C’est en appuyant la raison des secours de la religion, écrit-il, d’autre part, à l’abbesse de Saint Pierre, mais surtout du plus beau, du plus grand et du plus utile des principes, de la soumission à la volonté de Dieu, que les maux les plus pesants deviennent légers et que l’état le plus accablant devient supportable. Dieu le veut, cela suffit.

Et ceci adressé à la princesse B… :

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         Vous me dites que votre situation est terrible. Me permettez-vous à mon tour de vous faire une question ? Vous avez de la religion ; si vous n’en aviez pas, je vous plaindrais de toute mon âme. Une situation quelconque peut-elle être terrible quand on a de la confiance en Dieu ? Je ne vois d’affreux que la situation de ceux qui en manquent, et la confiance en Dieu peut-elle subsister sans la soumission à sa volonté ? L’homme véritablement religieux ne murmure point, parce qu’il sait que les épreuves viennent de Dieu, il met le doigt sur sa bouche, et le dernier mot qu’il prononce, c’est : « Que sa volonté soit faite ! ».

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            Tronchin fut non seulement le médecin des vaporeuses, mais celui des philosophes.

            La correspondance de Voltaire nous révèle l’enthousiasme sans borne que l’auteur de Candide, cet « éternel malade », avait pour son médecin, loin duquel il ne pouvait vivre, et qu’il réclamait ainsi à la moindre indisposition : « Vite, vite, du Tronchin ! ». Il prétend même que sans lui il serait mort, alors qu’avant de le connaître il faisait peu de cas de ses confrères qu’il comparait volontiers au roi, « deux espèces très respectables avec lesquelles on prétend que la vie humaine est quelquefois en danger ».

            D’autres écrits prouvent que Tronchin soigna Grimm, Diderot, quelque peu Rousseau, d’autres encore. Et les lettres du grand médecin à son fils révèlent le jugement qu’il portait sur ces grands malades et combien il prenait en pitié leur manque de religion. Rien ne prête mieux à la réflexion.

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            Je les ai vu plus d’une fois malheureux ou mourants ; dans l’un et l’autre cas, ils m’ont fait toujours pitié. Fuis comme la peste le commerce de tout homme qui ne croit pas en Dieu. Argumente-t-on contre la peste ? Non, sans doute, on la fuit.

            Oh ! Mon ami, ajoute-t-il dans une seconde lettre, que leurs derniers moments ressemblent peu à ceux d’un homme vertueux qui croit en Dieu, aussi peu que le calme d’un jour ressemble à l’horreur d’une tempête.

         De touts les romans, le plus romanesque est celui de la vertu des athées, dit-il encore. Le premier qui l’imagina ne connaissait ni les hommes ni la vertu. Fuis comme on fuit la peste le commerce de tout homme qui ne croit pas qu’il y a un Dieu.

         Ces trois passages ne sont-ils pas frappants : je dis plus : effrayants ?

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            Avant de terminer, rappelons que le Dr Tronchin vulgarisa en France l’inoculation et que ce ne fut pas l’un des moindres bienfaits, car, à cette époque, la petite vérole faisait des ravages.

            Rappelons aussi qu’il prédit la Révolution. Pourtant, s’il vit s’en former l’orage, il n’assista point à son déchaînement ; il mourut au Palais Royal, à Paris, dans sa soixante douzième année le 30 novembre 1781.

Citons encore ces paroles :

            Il faut travailler et faire le bien tant qu’on peut. Quand cela ne se pourra plus, je vous prierai de me fermer les yeux.

Et celles-ci qui furent ses dernières :

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            Je suis, disait-il à sa fille, dans une paix profonde, attendant avec soumission le terme de mes maux, lequel, comparé à l’éternité, n’est qu’un point noir suivi d’une ligne blanche infinie ».

Texte de Jean Thiéry paru en 1908 dans le mois littéraire et pittoresque.

*Une sculpture monumentale (un lion) se trouve en bout du pont de pierre de Bordeaux, à l’entrée du quartier « Bastille »

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Vous pensiez que le froid aidant, j’étais resté en hibernation, que nenni, j’affûte mes canines pour à ma façon continuer à râler contre les in justices, les faux culs, les exploiteurs de la misère humaine, la maltraitance des animaux etc. Et avec l’âge je suis facilement irritable ; c’est que je tiens à mon pseudo de Suricate ou rat mité grincheux… !

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13 janvier 2010

Madame a ses vapeurs (5)… !

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(Photo Schmitt Angret)

Après cette période de grand froid, il serait temps que je vous envoie quelques vapeurs pour vous réchauffer. Les églises, cathédrales n’étant pas des plus chauffées, j’attendrai des jours meilleurs pour vous en faire visiter d’autres.

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           Tronchin s’intéresse, du reste, très particulièrement aux gens de lettres ; il leur prescrit des repas légers essentiellement composés de viandes blanches, de légumes sans gousses, de fruits secs, de poissons, et comme boisson, il ne leur permet que l’eau fraîche ; il indique comme indispensable une heure d’exercice au moins avant de reprendre l’étude qui, à partir du dîner sera très modérée ; il conseille de travailler de l’aurore à midi, disant que ceux qui « travaillent la nuit sont plus sujets que d’autres à tomber à un certain âge en enfance ».

           A tous il répète : « Certainement, si Dieu avait fait l’homme pour le repos, notre corps tel qu’il est n’eût pas été fait avec sagesse ».

           Il cherche à combattre aussi les maux que la suralimentation donne à nos grands-pères par des régimes :

        Si l’on est gourmand, écrit-il à Diderot, il faut commencer par s’en corriger, car les jours des gourmands sont comptés.

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           Il souhaite de voir les repas plantureux remplacés par une « bouillie d’orge perlé cuit à l’eau avec un peu de beurre frais, de lait, de sucre », et il ajoute « qu’il serait à souhaiter qu’on ne prît aucune autre nourriture ».

           Ses prescriptions arrachent des cris de révolte aux prodigieux mangeurs que sont les hommes de cette génération. Un duc qui s’est vu condamner aux carottes et aux fèves s’écrie, après quelques jours de ce traitement :

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           - Docteur, je ne puis digérer votre galimafrée !

           Mais Tronchin représentant que ce régime est un cas de vie ou de mort, force est au duc de se résigner.

           Les pâtes d’Italie, le riz, peuvent aussi servir à varier ces régimes, « en observant que le lait utilisé à leur préparation soit tiède » ; le poisson de rivière également, « pourvu qu’il soit simplement préparé ».

           Pas d’alcool, pas de vin – le bon vin, le vin de Nuits particulièrement, pris en petite quantité et additionné d’eau, est accepté par lui comme tonique, tout en faisant observer cependant « que les peuples les plus forts ont été et sont ceux qui ne boivent que de l’eau » ; - pas de thé, pas de café, « ces lavages détestables pour l’organisme, poison atrophiant les nerfs de l’humanité » ; pas d’infusions chaudes, la diète, la diète blanche, la diète froide,

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(Tableau Carl Warner)

le régime végétarien, le régime lacté, du lait ! Du lait ! Du lait !...

           Ah ! Monsieur, écrit-il à La Condamine, que ce Christophe Colomb nous a fait du mal. Jadis, il n’était question que de l’or : il suffit pourtant pour perdre l’âme ; mais comme si cette cause de destruction ne suffisait pas, il y joignit le thé, le café.

        Il n’est pas une fâcheuse habitude de son temps qu’il ne cherche à combattre. Il condamne en premier lieu l’usage des perruques, et, au comte de Cheverny, qui fait observer que lui-même donne l’exemple d’en porter une, il répond :

           -Je suis obligé par état et pour ne pas fronder le costume des médecins de Paris, de m’affubler d’une perruque ; mais comme nous sommes seuls ensembles pour quelque temps, vous allez voir ce que j’en fais.

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           Et, se levant, Tronchin ôte sa perruque qu’il accroche à un clou placé pour cet objet dans la boiserie du cabinet.

           Il ne cesse de conseiller aussi de dormir la tête découverte.

Dieu, ne nous avait donné que des cheveux pour couvrir votre tête, mon cher abbé, écrit-il au grand vicaire de Mâcon, et vous y ajoutez trois calottes de flanelle !

           Et il condamne l’usage de ces couvre-chefs : bonnets de coton, calottes de toutes sortes dont on fait usage pour la nuit, « qui ont pour effet d’attendrir la tête, par conséquent de la rendre plus susceptible à toutes les injures de l’air, d’en relâcher les vaisseaux, d’y attirer le sang… »

           Il déplore aussi les oreillers de plume, voudrait qu’ils fussent remplacés par des coussins de crin et s’élève contre les couettes, les matelas, l’organisation de ces grands lits mous et profonds dans lesquels on s’enfouit pour dormir sous un amas de couvertures, à l’abri d’un dôme à baldaquin, à doubles rideaux tirés.

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           « De l’air !... » Réclame t-il, et il fait ouvrir ces rideaux. « De l’air !... » Et il exige qu’on le renouvelle dans la chambre, jusque-là tenue toujours close, de ses malades. Appelé au chevet de la dauphine Marie-Josèphe, il recule sur le seuil de la pièce, tant l’atmosphère en est fétide, et il s’écrie :

- La princesse est empoisonnée… !

           Et il ordonne d’ouvrir les fenêtres, bien qu’on soit en janvier, d’aérer le palais tous les jours.

           La grandeur des appartements, la hauteur des plafonds, l’insuffisance des appareils de chauffage font que de la Toussaint à Pâques, même à Versailles, les fenêtres sont hermétiquement fermées par des bandes de papier collé.

           « De l’air !... » Et Tronchin arrache ces bandes ; le fenêtres sont ouvertes, et il défend d’allumer du feu dans les chambres ; c’est une révolution !

Il est également ennemi des bains chauds.

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        Tant que les Romains, au sortir du Champ de Mars, allaient se jeter dans le Tibre, ils furent les maîtres du monde, écrit-il ; les bains chauds d’Agrippa et de Néron en firent des esclaves.

           Et il ne cesse de prêcher à la jeunesse l’équitation – Il ordonne même à un jeune homme atteint de crachements de sang, disant que rien n’est meilleur pour le système vasculaire du poumon, pourvu que l’allure choisie soit un trot modéré, - La gymnastique, l’escrime, « Les gymnases des Grecs et les palestres des Romains, tout le temps de leur durée, conservèrent des âmes saines dans des corps sains. « Ce remède, quoique la pharmacopée n’en dise mot, ajoute-t-il, est à mes yeux un spécifique dont les maîtres du monde, les anciens Romains, connaissaient tous le prix, tandis que nos sybarites, de peur de déranger leur toupet, négligent toutes les parties de gymnastique ».

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           Il engage les parents à élever virilement leurs enfants, et il écrit à la présidente Molé :

        Je souhaite que vous vous  mettiez bien dans l’esprit que la multiplication des petits soins inutiles, des précautions outrées prépare aux mères plus tendres que raisonnables bien des peines et des regrets.

Il écrit encore sur le même sujet :

Le bien n’est jamais dans les extrêmes. Il n’est pas question de faire d’un Français un Arabe. Son carré de mouton peut être rôti à la broche ; on doit seulement exiger de lui qu’il en mange sobrement et qu’il brûle pour le rôtir la boîte de duvet dans laquelle sa mère l’a tenu renfermé.

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           Tronchin préconise l’allaitement maternel, et le « sieur Rousseau, son compatriote, est en cela du même avis ! » publie le Courrier du soir du 10 janvier 1767. Ces deux avis se retrouvent, du reste, semblables en tant de cas ! Avant l’apparition des livres de Rousseau sur l’éducation, Tronchin a déjà prôné le retour à la vie saine, insisté sur la nécessité de s’occuper du physique, en ne perdant pas de vue le moral. On peut supposer que, durant les longues conversations qu‘ils eurent ensemble, Jean-Jacques fit siennes les idées du grand médecin, qu’il s’enthousiasma de la nouveauté de ses théories et s’en inspira pour ses ouvrages. Peut-être est-ce uniquement pour cette raison que l’Emile deviendra l’émule du chevreuil, il saura courir, sauter. Emile sera à l’aise « dans tous les éléments, il dormira bien dans de mauvais lits et tiendra en horreur les bonnets de nuit ».

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           Et non seulement Tronchin s’occupe particulièrement de l’hygiène des nouveaux nés, proscrit les ligatures et bandages et ne permet qu’un « corps de cuir de veau avec deux baleines », si bien que le Courrier du soir nous dit encore qu’on ne voit plus dans Paris « qu’enfants encuirassés à la Tronchin » ; mais il se montre un novateur en orthopédie et sauve de véritables tortures de pauvres êtres dont on cherchait à redresser les membres. C’est lui qui, pour une déviation de l’épine dorsale, imagine la « suspension », et son appareil, fait à Paris, sert pour la première fois pour un enfant de Chartres.

           Tronchin s’occupe de tout et de tous, il est adoré de ses malades ; dans leur enthousiasme, il y a des gens qui prétendent « qu’il empêche de mourir » ; nul ne regimbe devant ses prescriptions, elles sont acceptées comme articles de foi.

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            En attendant d’être en état de vous donner la suite, je suis en train d’essayer un nouveau vin de messe, il est plein de promesses, il a de la cuisse… !

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(Dessin Cabu)

A Suivre… !

27 décembre 2009

Madame a ses vapeurs (4)… !

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           Le 6 août 1740, Tronchin épouse Mlle Hélène de Witt, dont il dit, bien qu’elle soit fort laide :

- Ma femme n’est pas parée de qualités, elle en est couverte !

Sa renommée s’accroît encore, et lorsque quelques années plus tard,

« le dépérissement des mœurs en Hollande » autant que le désir de retrouver sa patrie décideront Tronchin à quitter Amsterdam pour revenir à Genève, ce sera de nuit qu’il exécutera ce projet et presque sans bagages, car les Hollandais ne se seraient point sans difficultés résignés à son départ.

           A Genève, le voilà habitant de nouveau la demeure ancestrale des Tronchin, « située sur cette place irrégulière et si pittoresque du Bourg du Four que domine la cathédrale et qui, presque seule aujourd’hui, a conservé, grâce à l’inégalité de son sol, à ses escaliers étroits, à ses armes séculaires et aux sombres façades de ses maisons, quelque chose de l’aspect austère que devait avoir la cité de Calvin ».

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           Aussitôt les malades affluent autour de lui ; il en vient de partout, on se loge à prix d’or, comme on peut ; qu’importe, pourvu que l’on soit dans son voisinage. Mme la duchesse d’Anville payera deux cents louis pour l’hiver un simple appartement… ! Et les honneurs pleuvent, aussi comme les malades, la situation de Tronchin devient unique au monde : la Hollande lui fait les offres les plus magnifiques pour le ravoir, la république de Genève multiplie les flatteries, les cajoleries, les avantages pour le retenir. Et cependant Tronchin souffre, il souhaiterait la paix, « cette paix sans laquelle il ne peut vivre », et ses confrères lui ont déclaré la guerre, une guerre acharnée, sans merci, il est en butte à toutes les hostilités, à des difficultés sans nombre. Des conflits mêmes éclatent journellement, si bien que d’Alembert pourra dire :

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Les querelles qu’il suscita entre ces graves docteurs furent souvent si violentes que peu s’en fallut qu’elles n’aboutissent à des suites sanglantes qui eussent obligé la médecine d’appeler la chirurgie à son secours.

           Jusqu’en 1766 – époque où les troubles de la politique genevoise aggravant d’écoeurement et de dégoût  ses propres ennuis, il se décida à céder aux instances du duc d’Orléans et à s’installer à Paris, - Tronchin occupe à l’Académie de Genève une chaire autour de laquelle se presse le public le plus enthousiaste. Pourtant, pas un de ces cours n’a lieu sans tapage, ce qui fera remarquer à Condorcet : « Applaudies par les philosophes, ses leçons furent critiquées par les médecins. »

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           Pour comprendre ces critiques et en quelque sorte les justifier, car elles procèdent d’un état d’esprit assez semblable à l’affolement des fourmis dont on a bouleversé la fourmilière, il suffit de mettre en parallèle la manière dont la médecine s’exerçait alors, la façon dont Tronchin comprenait les soins à donner à l’humanité souffrante et les jugements en couperet de guillotine qu’il portait sur les « systèmes » de ses contemporains.

Il écrit un jour à Sauvage de la Croix :

Mieux vaudrait, tout bien compté, qu’il n’y eût pas de médecin. Mieux vaudrait que la vie des hommes fût confiée à la bonne nature dont les ressources sont infinies. La preuve en est tout ce qu’elle fait pour conserver la vie des hommes malgré l’étourderie et les erreurs des médecins.

Depuis que notre art a dégénéré en moyens de finances, les médecins, en général, ne sont plus que des financiers qui sacrifient à leurs besoins tout ce qui est essentiellement leur devoir, dit-il ailleurs. On chercherait en vain de la délicatesse et des sentiments dans un ordre de gens qui n’ont que des besoins…Le plus beau des arts est devenu le plus méprisable et le plus funeste…

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Il écrit à la présidente Moti :

Le médecin ne marche à pas sûrs qu’en marchant avec la nature ; s’il la perd de vue, il s’égare, et cette bonne nature que l’on respecte si peu ne suffit presque toujours à elle-même, car Dieu, dont elle est l’ouvrage, ne s’est pas contenté de lui donner la faculté de maintenir la santé du corps, il l’a mise en état de la rétablir aussi quand il est malade. Le médecin sage qui le sait se contente d’ôter les obstacles. Il la retient quand elle est trop active, il l’excite quand elle s’endort ; mais c’est elle seule qui guérit.

A d’autres encore :

Je gémis du désordre où je trouve le plus utile, le plus nécessaire, le plus beau, le plus dangereux des arts. Le temps et les Arabes ont fait moins de mal à Palmyre que l’ignorance des médecins n’en a fait à la médecine ; elle est devenue un fléau d’autant plus affreux qu’il frappe sans cesse. Il faut que le souverain y mette ordre en redressant les abus ou en défendant l’exercice d’un art si funeste.

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En parcourant les lettres du grand médecin, à toutes les pages nous trouvons des jugements prouvant à quel point il englobait dans une égale réprobation les médecins de son époque, « déplorant leur indignité, leur profonde ignorance, leur âpreté au gain, dénonçant que la plupart du temps la médecine était trop souvent pratiquée par des « gens à faire, selon le mot de Guy-Patin, ce que l’on veut à qui plus donne » et « estimant qu’un grain de fortune vaut mieux que dix onces de vertu ».

Tronchin exagérait à peine.

           Si lui « réfléchissait sur ses malades », à l’aveuglette, sans souci de l’âge, du sexe, des différences de constitution, ses confrères appliquaient pour le moindre malaise à tous la même médication : les saignées, des émétiques, des purgatifs ! Entraînés par la routine et la mode, les malades eux-mêmes réclamaient ces remèdes violents.

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           Tronchin s’insurge contre la saignée, et, dans une de ses lettres adressée à la comtesse d’Arcuissa, nous glanons cette anecdote :

        Je me rappelle à ce sujet, Madame, qu’une malade d’une des premières villes de France me consultait il y a six ans sur une huit cent trente troisième saignée, laquelle, malgré l’ordonnance du médecin, n’avait pu se faire faute de sang. Le médecin pourtant la jugeait nécessaire. Comment pourtant la faire quand il n’y a pas de sang ? Il imagina de la renvoyer à huitaine ; « Entre cy et ce temps-là, dit-il, se formera peut-être du sang ». Et, en l’attendant, on me consulte. La pauvre malade était dans un tremblement continuel et dans un état de convulsions devenu habituel. Il n’y a qu’un an qu’elle est rétablie d’un mal pour lequel déjà la première saignée était inutile ; que dirons-nous de la huit cent trente troisième ?

Et furieux, indigné, Tronchin ajoute :

        Et l’on pend un misérable affamé qui vole du pain… ! Je me tiens à quatre, Madame, pour n’en rien dire. La compassion, d’ailleurs, m’ordonne de me taire : quand le mal est fait, à quoi servent les réflexions?

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           A quelques temps de là, c’est un évêque de Béziers qu’il sauve de « dix-huit saignées et de la mort ».

           A ces systèmes dangereux il s’efforce de substituer des traitements simples dérivant « des clairs, vrais et éternels principes puisés à la source hippocratique », ne contrariant point l’œuvre de la nature, l’aidant, la favorisant. Si bien que Grimm dépeindra ainsi Tronchin :

           Jamais médecin ne consulta plus la nature, n’en saisit avec plus de sagacité tous les mouvements, toutes les indications ; jamais médecin n’employa plus heureusement et le secret d’atteindre la nature, et celui de la secourir avec le moins de peine, le moins d’effort possible.

            On a beaucoup  glosé sur ces fameuses pilules savonneuses qui donnèrent naissance à ce propos railleur : « Si les blanchisseuses le savaient, elles lui intenteraient un procès ! » et de ces autres pilules que l’on a prétendu en mie de pain !

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Tronchin a pour excuse qu’en imposant ses méthodes il entreprend une œuvre de géant : il s’attaque à des manières de vivre, des habitudes, des intempérances que nul ne voudrait abandonner, attendu qu’elles constituent le fond, la base de toute vie élégante. Les maux qu’il soigne proviennent le plus souvent autant d’une mauvaise hygiène morale que de toute autre cause. N’est-ce pas là ce qu’il y a de plus difficile à guérir ?

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           Pour atteindre ses fins, il lui était donc indispensable non seulement de tâter le pouls de ses malades, mais d’obtenir d’eux ces confessions complètes révélant des plaies que l’on n’aime guère avouer en dehors du confessionnal, et, pour cela, il s’efforce de capter la confiance de ses malades, leur amitié, et il travaille à leur guérison, non seulement comme médecin, mais en penseur, en moraliste, en psychologue.

Eût-il dit à cette société : « Ne faites point de la nuit le jour, levez-vous de grand matin, couchez-vous tôt, réglez votre sommeil, mangez avec mesure », nul ne l’eût écouté.

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Ce qu’il ne peut obtenir en l’attaquant de front, il l’atteint par ses ordonnances. Ya-t-il à prendre trois pilules par jour, la première sera prise en se levant à 7 heures, la seconde après un repas léger à 5 heures, la troisième à l’heure du coucher, parce que si le remède par lui-même ne guérit pas, la manière dont il est pris opère.

           C’est contre la vie sédentaire surtout qu’il s’élève.

A un abbé qui souffre de maux de tête, il écrit :

           Promenez, montez à cheval, et, dès que la mauvaise saison ne le permettra plus, sciez votre bois.

A l’abbesse de Saint-Pierre, il dira :

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*(Photo Lacephoto)

           Si la saison ne permet pas l’exercice en plein air, qu’on en fasse autant qu’il est possible dans sa cellule. On fera donc soi-même sa chambre et, deux petits décrottoirs sous les pieds, on frottera son plancher.

A l’abbé Carpentier, à Paris, il dira :

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*(Photo Alan Pedroso)

        Je vous supplie, s’il vous reste encore quelque amour de la vie, de la rendre moins sédentaire et de retrancher l’étude du soir. Vous périrez si vous me refusez cette grâce. Quand au travail du matin, je voudrais qu’il se fît debout. Ayez un pupitre exhaussé ; reposez-vous sur un tabouret et faites que votre corps ne soit point courbé.

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           Il recommande à tous l’usage de ces pupitres qui prennent aussitôt le nom de « bureaux à la Tronchin » et sont adoptés aussitôt par tous ceux astreints à un travail d’écriture.

A suivre...!

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(Photo perso)

* Je n'ai pu résister, tant pis pour les grenouilles de bénitier et les "pisses froids"...!

21 décembre 2009

Madame a ses vapeurs (3)… !

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Puisqu’on ne nous parle plus du virus et des vapeurs provoquées par Ste Roselyne, que vous êtes soulagés de savoir que les fans de Johnny sont intervenus auprès de St Nicolas pour le sortir du coma,

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(Caricature LP)

je vais vous reparler des vapeurs du Docteur Tronchin.

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           Alors survient Printemps, un ancien garde-française qui prétend guérir tous ses contemporains de tous leurs maux, avoir trouvé la panacée universelle dans des décoctions de foin. Parti de rien, il a même gagné à cela une jolie fortune, et c’est dans un beau carrosse traîné par de superbes chevaux qu’il s’en va dans Paris visiter ses malades, lorsqu’une requête présentée par la Faculté à M. de Biron l’arrête en si beau chemin, le met à bas de son équipage et le rend à son obscurité.

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Le fameux médecin Pomme surgit bientôt après. Celui-ci a cru découvrir que « les vapeurs venaient d’un dessèchement, d’un racornissement du système nerveux », et aussitôt d’ordonner, « pour redonner de l’élasticité à ce système », des traitements à l’eau de veau, à l’eau de poulet, « des délayants, des humectants » et surtout des bains tièdes, des bains de cinq, six, huit heures même, si bien que dans l’espace de quatre mois une de ses malades, Mme de Clugny, passe dans l’eau douze cents heures !

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Mais deux grandes dames soignées par lui, Mme de Bezons et la comtesse de Belzunce, étant mortes presque subitement, beaucoup de ses malades l’abandonnent et son étoile pâlit. Force lui est donc de quitter Paris et s’en revenir à Arles, sa ville natale, où de pauvres femmes qui ne peuvent plus vivre sans ses soins l’accompagnent. On peut citer parmi elles la comtesse de Boufflers, qui bientôt le ramènera à Paris et fera tant pour la renommée de « Monsieur Pomme » qu’elle décidera le roi à le consulter.

           On cherche, on souffre, on tâtonne ; mais personne n’est guéri, quand enfin en 1766, arrive Tronchin, « qui voit aussitôt toute la France se presser dans ses antichambres de Paris ».

                                                                       

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Et aussitôt tout change :

Tronchin fait sortir la femme de sa paresse et de ses langueurs, presque de sa constitution. Il la force au mouvement, aux fatigues fortifiantes. Il lui impose de gros ouvrages,il la fait frotter des salons, bêcher un jardin, se promener en réalité sur ses pieds, courir, s’exténuer : c’est un mot que sa doctrine fait entrer dans la langue de la femme. Il rend ses membres à l’exercice, son corps à la liberté avec ces robes nouvelles baptisées de son nom.

Ces robes s’appelleront les « tronchines » ; elles sont courtes, sans paniers et se portent avec des souliers plats. D’autres mots sont aussi créés : on prétend « tronchiner » lorsqu’on s’en va un bâton à la main, admirer la belle nature, et ce genre de promenade est la « tronchinade », qui n’ira pas sans soulever des protestations. Roussel, dans son «système physique et moral de la femme   », s’élèvera contre elle et attaquera « l’intempérance d’idées qu’elle procure aux femmes », idées qui, « en les charmant, fatiguent les ressorts de leur esprit ».

Mais il n’est point arrivé à ce résultat du jour au lendemain, le disciple de Boerhaave .

21Boerhaave

Et si ses études ont été brillantes, les débuts de sa carrière sont difficiles.

           Nommé « porter », c'est-à-dire bourgeois d’Amsterdam, il commençait à exercer sa profession dans cette ville, lorsque, presque aussitôt, sévit une épidémie de coliques terribles dont presque tous les cas étaient mortels.

            Mes premiers pas, raconte-t-il lui-même, étaient chancelants ; les maîtres qui m’avaient précédé ne montraient guère plus d’assurance. Le silence des principaux auteurs, funeste pour un débutant, la difficulté que présentait le traitement de la maladie me remplirent souvent d’anxiété. La guérison était rare. Bien malgré moi, je fis mes expériences au milieu des morts….

22Hogarth_TheRewardOfCruelty

           Sa qualité d’étranger, son jeune âge, le caractère d’extrême gravité des cas qu’il traite, la rareté des guérisons soulèvent la méfiance. Le voilà en butte aux attaques de confrères plus âgés, déjà arrivés, lesquels voient d’un œil jaloux l’avènement de ce jeune homme que la haute protection de Boerhaave a mis en lumière. Ce qui inspirent au professeur van Sweiten , de l’Université de Leyde, ces réflexions curieuses.

23Medecin

           C’est le malheur attaché à notre métier que les charlatans soient plus estimés que les sages de notre art. Comme l’a très bien dit un poète comique, nous commençons à estimer les médecins quand ils ont atteint l’âge auquel les hommes qui remplissent d’autres fonctions sont jugés inutiles. Méprisez ces maladies de notre art que ne cesseront jamais de proclamer les meilleurs des hommes avec un air de dédain.

            Devant les attaques et plus encore de nombreux insuccès, Tronchin est bien près de quitter Amsterdam. Pourtant, sur les conseils de Boerhaave, il résiste, il tient tête à l’orage, et bientôt il écrira :

        Je commence à jouir des fruits de mes petites victoires, car j’ai eu bien des ennemis à combattre que je retrouverai partout où je voudrai aller m’établir. Je puis, sans m’abuser, espérer quelques agréments dans la suite et me flatter de cueillir des fleurs dans les sentiers que j’ai trouvés couverts d’épines….

24Brueghel

Tronchin est en effet bon prophète. Cette jalousie, cette animosité, il les retrouvera bien souvent au cours de sa carrière, sort réservé à tous les novateurs, à ceux qui vont à l’encontre de la routine, de l’ignorance, qui marchent en avant avec des idées nouvelles vers le progrès.

           Comme une récompense à son endurance, la protection de Boerhaave est devenue de plus en plus efficace au jeune médecin. Ce sont des malades que le grand praticien envoie à Tronchin. Il dit de lui :

           - C’est un autre moi-même ; vous pouvez me consulter sans quitter Amsterdam, en lui parlant. Il lui écrit :

25

        Je suis heureux chaque fois que je constate par le témoignage de mes concitoyens que vous remplissez tous les devoirs d’un bon médecin et que vos conseils sont loués pour leur sagesse et leur heureux résultat. Etre utile au prochain est c e qu’il y a de plus grand dans l’homme.

           Au contact d’hommes d’un tel caractère et aussi par son mérite personnel, Tronchin voit peu à peu sa personnalité mise en lumière, monter au-dessus des foules et s’imposer à ses contemporains. Il arrive, il est arrivé, à trente ans il est quelqu’un !

           Maintenant, de tous côtés, ainsi qu’on faisait pour son maître, on se prend à le consulter. C’est le médecin du maréchal de Saxe, Sénac, aussi premier médecin de Louis XV, qui sollicite son avis sur la cure de coqueluche ; c’est Quesnoy, le chirurgien ordinaire du roi, qui demande à Tronchin d daigner lui faire part de ses réflexions sur un ouvrage qu’il aura l’honneur de lui envoyer, etc., etc.

A Suivre… !

Et pour mettre le feu, il vous faudra attendre

feu

(Caricature Large)

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5 novembre 2009

Madame a ses vapeurs (2)… !

11Mme_Depinay

« Les vapeurs c’est l’ennui » dira Mme d’Epinay. « Les vapeurs, c’est la mauvaise hygiène » diront les écrits du temps, ces repas pris à des heures irrégulières, ces soupers tardifs où l’on mange jusqu’à l’indigestion ; cette cuisine étrange composée de mets épicés, « de jus de coulis, d’épices, de brûlots », un « sublimé de succulence donnant au jeu des organes des effervescences factices »,

11b_th_HOREMANS

l’abus tant de fois dénoncé du thé, du café, du chocolat – cet innocent chocolat considéré par nous d’une nature tellement inoffensive et condamné alors par la médecine comme excitant – l’usage des parfums entêtants et de ces liqueurs de Lorraine que tous achètent depuis peu.

12frenchfashion

« Les vapeurs » viennent de ce « corps de baleine qui comprime les organes et embarrasse la respiration », que la femme porte en sortant du maillot et portera toute sa vie, et sans lequel elle ressemblerait à ces êtres informes, dénommées « femmes de campagne », dont la seule pensée fait frémir d’horreur. Et sur ce «corps de baleine » l’on versera des flots d’encre.

12a_frenchfashion

Il y aura des livres, des brochures sur « la dégradation de l’espèce humaine par l’usage des corps à baleines » ; on entreprendra contre les « corps baleinés » une véritable croisade qui…sera du temps perdu et ne convaincra personne. Je vous l’ai bien dit, Mesdames, il n’y a rien de neuf sous le soleil !...

« Les vapeurs » viennent de l’abus des fards, prétendra-t-on encore.

13

        De l’habitude du blanc et du rouge qu’on ne portait autrefois qu’après le mariage, qu’on voit aujourd’hui aux joues des jeunes filles et dont la femme abuse avec plus d’excès à mesure qu’elle vieillit ; usage malsain de préparations plus malsaines encore ; ce blanc n’est pas toujours du blanc de Candie, fait de coquilles d’œufs ; il est souvent composé de magistères de bismuth, jupiter, saturne, de céruse ; ce rouge ne se tire pas seulement de matières animales ou végétales comme la cochenille, le santal rouge, le bois de Fernambouc, mais aussi de minéraux comme le cin abre, le minium, de minéraux de plomb, de soufre et de mercure calcinés au feu de réverbère.

14jefferson_a_paris

Et que de maux venant de là, de ce  blanc et surtout de ce rouge, dont le plus inoffensif, le carmin même, le rouge végétal, le rouge de Portugal, si renommé comme le plus beau et le plus haut en couleur, est abandonné par les femmes à cause des douleurs de tête et des démangeaisons qu’il leur cause ! Des boutons, des fluxions du visage ou des gencives, c’est le moindre inconvénient de cette enluminure et de ce plâtrage ; le blanc et le rouge ne gâtent pas seulement les dents, ils font plus qu’abîmer les yeux, jusqu’à menacer la vue ; ils attaquent tout le système nerveux et amènent dans tout le corps des désordres qui ne s’arrêtent qu’à la cessation de leur emploi.

(La femme au XVIII) siècle, E. et J. Goncourt)

«Les vapeurs» viennent des mauvaises lectures, de ces romans sur lesquels la femme pleure, vibre, se passionne durant ses longues insomnies…

15HOGARTH

« Les vapeurs», c’est la vie mondaine à outrance…

«Les  vapeurs », viennent de tout, de partout, chacun dit son mot là-dessus, personne ne résout la question, les « traités des affections vaporeuses » pleuvent. Chaque médecin écrit le sien, ce qui ne remédie pas à grand’chose, car le mal vient de s’aggraver de ceci qu’il est devenu une mode. « Les vapeurs » finissent par être « bien portées », par être « ce que l’on doit être ».

           Et voilà une société entière atteinte de cette étrange maladie, sorte de névrose prenant toutes les formes, tournant à la mélancolie, à l’hypocondrie.

16Gerard_Dou

           S’il est cependant de bon ton d’en être atteint, il est également du meilleur ton de chercher à se guérir du mal à la mode.

On s’adresse donc aux médecins, qui ne perdent point si belle occasion de multiplier les purgatifs et les saignées. On s’adresse aux empiriques, aux charlatans ; les uns préconisent des emplâtres sur le nombril, les autres des frictions en rond avec un tampon de flanelle sur le creux de l’estomac, on essaye des toniques, des excitants, des anti-spasmodiques ; on n’arrive à rien, ces divers traitements ont des effets plus déplorables les uns que les autres.

A Suivre… !

3 novembre 2009

Madame a ses vapeurs (1)… !

1tronchin

Théodore Tronchin, né à Genève le 24 mai 1709, va être appelé à soigner le mal étrange qui ravage la société de la fin du règne de Louis XV, mal qui atteint le vieux roi lui-même et ressemble, sous tant de point à notre moderne neurasthénie.

2

Sont-ce les travailleurs de la terre, les « femmes de campagne », les pauvres diables soumis à l’obligation de gagner leur pain qui en souffrent ? Ce mal ne frappe que les oisifs, les élégants, les gens de cour, ces raffinés à l’existence douillette, dont la raison de vivre semble consister en ces satisfactions à donner à leur vanité, leur égoïsme, leur plaisir, manière d’être n’engendrant que sécheresse de cœur, manque d’élan et de générosité, sentiments qui, poussés à leur plus haut point, aideront à la réaction violente qu’entraîneront les écrits de Rousseau , réaction que les « hommes sensibles » de la Révolution porteront eux aussi à l’extrême. Tant il est vrai que pour les sociétés comme pour les individus, la pondération, le juste milieu, la mesure, l’équilibre constituent un idéal presque impossible à atteindre.

3doctor_Steen_Jan

D’où vient ce mal ?

De la satiété, d’une sorte d’ennui de vivre, de l’inquiétude des lendemains, de la peur de la mort. Châtiment de ceux qui n’existent que pour la jouissance, de ceux qui nient toute foi, toutes croyances, et qui en arrivent devant les grands problèmes de la vie à ressembler à ce navire dont le pilote, le seul qui pouvait le diriger parmi les écueils d’une passe difficile, avait été jeté à la mer. La passe est là, vers elle un invincible courant pousse le navire, quelle sera sa fin maintenant qu’il n’a plus de guide, quel est celui qui ose entrevoir cette fin sans frémir ?

4Hogarth_Mariage

           Les philosophes ont jeté à la mer le pilote qui devait guider la société du XVIII° siècle. Qu’ont-ils donné d’équivalent à ceux qu’ils ont ainsi privé de vaillance, de force, d’esprit ? Quelle est la moisson de tant d’idées jetées aux quatre vents, de tant de paradoxes discutés dans les boudoirs,

5soupers

autour des tables de souper par ces « débauchés d’esprit », comme les nommera Walpole, « ces femmes qui ont une admiration stupide pour tout ce qui est spirituel », ces mondains qui se pareront de leur incrédulité comme d’une gloire ?....Du dégoût, du désenchantement, de la tristesse, un ennui maladif et profond, une sorte de maladie noire qui donne à tout « un goût de cendre ».

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La correspondance du temps le révèle, ce terrible état d’âme,  Mme du Deffand le définira « l’ennemi », et l’impression qu’elle en ressentira ne pourra se traduire que par un mot bien grand, presque effrayant : le néant. Elle dira : « Je suis tombée dans le néant, je retombe dans le néant ». Et ce malaise moral sera particulier à presque toutes ses contemporaines. Les femmes « retombent dans le néant » sitôt qu’elles se retrouvent seules, en face d’elles mêmes ; aussi retardent-elles le plus qu’elles peuvent cet instant et prennent-elles « le goût de la multitude » pour y échapper. Et encore de deux maux ne feront-elles que choisir le moindre, car on les entendra dire aussi « que la foule est la plus absolue et la plus pesante des solitudes ». Elles veilleront donc chaque soir, tous les soirs. La raillerie, la chanson, l’épigramme leur donneront le nom de Lampes et Duclos, dans ses confessions du comte de ***, pourra dire d’une femme de ce temps : « Il n’y avait rien qu’elle ne préférât au chagrin de se coucher ».

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Et enfin, dans ces grands lits profonds, la femme ne pourra dormir. L’insomnie dont, sous la Régence déjà, toutes les femmes se plaignaient, la « fera se retourner jusqu’au matin ». Nous retrouvons dans les lettres de Mme du Deffand et de Mlle  de Lespinasse des doléances « sur ce grand désespoir de ne pouvoir dormir », sur ces veilles fiévreuses où les impressions s’exaspèrent, où pas un instant l’esprit ne cesse de battre la campagne….

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La femme revit la journée écoulée, prépare celle qui va suivre, arrête des bons mots et les occasions de les faire naître, s’excite à l’amabilité, à la grâce, cherche le moyen de triompher d’une rivale, combine une toilette, « pense chiffons », pleure sur une déception, des passions contrariées, aiguise des colères, s’entraîne à des vengeances, en un mot, ce qui agite, torture, ravit, enchante ou réduit au désespoir et pousse au dégoût de l’existence la mondaine de tous les temps.         

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Mais, pour trop demander à ses nerfs, la femme du XVIII° siècle devient languissante, « anéantie, mourante », sans volonté. Sa vie se passe en « papillotages », cette suprême forme que prennent les grâces du siècle ! Étendue sur une chaise longue, cette femme n’aura que la force de faire des nœuds, de parfiler, et, en dehors de cet amusement des doigts, elle n’existera que par le cerveau. Tout lui sera ébranlement, émotion ; elle s’évanouira pour un rien, les attaques de nerfs succéderont pour elle aux attaques de nerfs, et bientôt ces crises deviendront si fréquentes qu’il lui faudra faire matelasser sa chambre. Les Mémoires de Mme de Genlis nous apprennent qu’une des grandes dames les plus sérieusement atteintes serait la princesse de Lamballe. La vue d’un homard, l’odeur d’un bouquet de violettes lui donnait des évanouissements de deux heures.

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A ce mal, auquel ils ne comprenaient rien, les médecins ont donné le nom de :

« Vapeurs ».

A suivre… !

20 septembre 2008

J’aime les grenouilles… !

1

Avec une préférence pour la grenouille de bénitier qui sous des apparences farouches cache une souplesse d’esprit lui permettant le grand écart lors des (Censuré).

Mon amour pour la musique classique et certains opéras m’ont permis de côtoyer une autre espèce, la grenouille de baignoire élevée non pas à la musique religieuse comme sa consoeur, mais aux trilles de la Diva, au monologue du comédien ou à l’encre  des magazines culturels.

Dernièrement j’ai découvert un auteur *Claire Cros qui dans son livre :

2

« Le Monstre transparent. Pourquoi n’en avoir rien à foutre de la Culture » nous en dresse un portrait plus vrai que nature. Un petit chef d’œuvre d’ironie… !

Je n’ai pu résister au plaisir, afin de vous inviter à vous procurer le livre, de reproduire ce passage.

« Tout le monde connaît les grenouilles de bénitier, hé bien il existe les grenouilles de baignoire, une race très très proche de l’autre, nommée ainsi à force de fréquenter ladite baignoire, qui est le nom de certaines loges de théâtre.

   La grenouille de baignoire est épuisante pour ceux qui ne sortent jamais, parce qu’elle sort tout le temps et que chaque matin elle vous collerait volontiers un pistolet sur la tempe pour vous obliger à aller voir la pièce, le film, le happening, le truc qu’elle a vu la veille à part la série que vous ne rateriez pou rien au monde sur le câble. Elle sait même pas que la télé existe, la grenouille de baignoire.

3

   Elle saute tous les jours de dernière sortie en nouveauté, et tout est géniaaaaaaaaal.

   Tout est toujours haaaaannnn, géniaaaaaaaaal, à vous demander ce que branle son mec pour qu’elle sorte comme ça tous les soirs, toujours, tout le temps géniaaaaaaaaal. C’est l’ahurie de service , le regard mouillé de joie toujours à se régaler de ses propres mots critiques et des descriptions du scénario, de comédien, de décor, de l’expo, à la tuer.

   La langue pend et lèche tout, longue comme votre ennui, et tout le jeu est d’éviter qu’elle vous touche. C’est dégueulasse d’ailleurs la bave qui gicle partout et ces yeux énormes comme s’ils avaient vu Dieu en personne. Ce qui est certain, c’est qu’à la fin vous en dégueuleriez volontiers et vous haïssez déjà le truc que vous n’irez jamais voir tellement c’est géniaaaaaaaaal. Ça peut se passer de vous pour apprécier.

   Quand deux grenouilles  de baignoire se rencontrent, c’est un dialogue de sourdes et on entend plus que le aaaaaaaaa de géniaaaaaal.

4

   S’il y en a trois, elles font des nœuds avec leurs langues c’est superchiant, parce que souvent elles demandent de l’aide en faisant des gestes et roulant les grands yeux exorbités, et qu’un fond d’humanité vous leur fait porter secours. Ça arrive parce qu’elles veulent toutes dire le plus fort et le plus de fois géniaaaaaaal.

4A

   Vous avez beau chercher, vous ne trouvez aucun intérêt à se réjouir comme ça de tout, à tout porter aux nues, à  forcément trouver quelque chose à rien. Même un truc supercritiqué à chier trouvera grâce aux yeux d’une grenouille de baignoire pour le plaisir irremplaçable de contredire la critique et de fondre la sienne aux mots personnels, comme géniaaaaaal.

   La dernière fois que vous êtes allé au cinéma, c’était pour Shrek, au théâtre, c’était pour votre fille, spectacle pour les 2 à 5 ans,

5

à l’opéra, c’était jamais, au ballet, faut pas pousser mémé, dans une galerie, elle était marchande et dans un musée, ben…c’était quand déjà qu’on était allé à paris ? Enfin voilà.

   Vous avisez jamais d’aller, n’en pouvant plus, voir un truc sur les conseils d’une grenouille de baignoire et lui dire ensuite que c’était nul. La réponse sera immédiate.

   - Ah Hannn, non ! Moi j’ai trouvé ça géniaaaal !

   Ça vous apprendra.

   Et pis méfiez-vous que c’est encore bien le genre à vous refiler la bibliothèque qu’elle a lue la veille, voire vous conseiller les restaus où il faut aller, limite la pensée qu’il faut avoir.

   Vous passez pas votre temps à penser, mais enfin quand vous vous êtes tapé votre journée, vous faites un mini bilan, histoire de pas devenir dingue avant d’enchaîner sur les devoirs des gosses, leur faire à bouffer et vous battre qu’ils aillent se pieuter et vous vous retrouvez sur le flan devant la télé, épuisé sans comprendre où l’autre trouve son énergie à sauter sur les nénuphars de la joie toute la sainte semaine, et pis en péter de plaisir le week-end aussi sûrement.

6

(Photo perso)

Le monde est très mal partagé. C’est tout ».

*Claire Cros est diplômée de l’école de restauration et de conservation des œuvres d’art d’Avignon. Le Monstre transparent est son cinquième livre. A travers une trentaine de chapitres elle nous fait voyager depuis les grottes de la préhistoire, au Louvre en passant par toutes les époques qui ont façonné l’évolution des arts. Le plus merveilleux c’est que c’est écrit avec humour, à coup de petites touches elle nous dresse un merveilleux tableau de cette culture tant décriée. Cette culture, j’en reprendrai bien volontiers une tasse en prenant mon bain dans la baignoire… !

Madame Cros, je ne terminerai pas ce billet sans signaler que si d’avoir reproduit un court passage de votre livre vous dérange, je suis prêt à le supprimer, il n’a qu’un seul but faire partager mon enthousiasme et inciter mes ami(e)s à se le procurer.

Oh, l'amour est tout ce dont tu as besoin
L'amour est tout ce dont tu as besoin au bal des Papillons

N'es-tu pas content que nous soyons tous ensemble
Au bal dans la nature
Et bien que nous portions des visages différents
Personne ne veut se cacher

L'amour est tout et tout est l'amour
Et c'est facile, oui c'est si facile
Au bal des Papillons où l'amour est tout
Et c'est si facile

Tout ce dont tu as besoin c'est de l'amour et de la compréhension
Sonne le cloche et fais savoir aux gens
Nous sommes si contents et nous célébrons
Allez et montre tes sentiments

L'amour est tout, oui l'amour est tout au bal des Papillons
L'amour est grand, l'amour est petit
L'amour est libre, l'amour est tout au bal des Papillons

Quand tu es dos au mur
Quand tu commences à tomber
Tu dois avoir quelque chose sur quoi t'appuyer
L'amour est tout
Il peut te faire chanter au bal des Papillons
L'amour est tout, je dis l'amour est tout, oui l'amour est tout
Au bal des Papillons

25 novembre 2007

St Pierre de Rhédes (Suite)

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Lors de mon précédent billet je n’avais pu vous parler de l’intérieur de cette église, celle-ci étant fermée.

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Je me suis débrouillé pour avoir les clés afin de compléter la visite et vous en faire profiter.

L’intérieur

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(Nef)

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La nef est simple et homogène. Sa particularité est d’être séparée en cinq travées par des colonnes jumelles. Elle se prolonge par une travée de chœur précédant elle-même l’abside semi-circulaire ; qui se caractérise par trois absidioles creusées dans l’épaisseur des murs, ébauche d’un transept à faible saillie à l’extérieur.

Dans la nef

- Fragments d’autels de chaque côté de l’entrée, dont un date de l’époque gothique.

- Bénitier simple du XIIème siècle taillé dans une pierre tendre.

- Présence de deux bancs de pierre le long des murs.

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- Notre Dame de Capimont, devant « la porte des morts » plâtre d’une statue du XIIème dont l’original se trouve dans l’église de Clairac ( vierge récupérée par les habitants lors des guerres de religions). La vierge tient l’enfant de face sur ses genoux et non dans ses bras, et ce dernier tient une colombe dans les mains.

DSC02102

(Chapelle de Capimont)

DSC02099

(Intérieur Chapelle de Capimont)

- Chapiteaux ornés de sculptures animales pour la première et dernière travée (lions, tête de bélier) et végétales pour celles du milieu (fougères, et acanthes).

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***

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***

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***

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Dans l’abside

Trois absidioles, qui ont chacune une particularité.

Absidiole Sud

- Un ancien autel postérieur à la construction de l’édifice.

- Un tabernacle en bois doré qui daterait du XVIème siècle.

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- En haut de la colonne on aperçoit un orant.

25

- Présence d’un sarcophage datant de l’époque Mérovingienne (VIIème siècle), découvert en 1888 lors de travaux de restauration.

Absidiole Est

- « La tête du christ en gloire » moulage en plâtre, l’original du XIIème siècle est à la Société archéologique de Béziers.

Absidiole Nord

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- Bas relief de St Pierre, ce marbre blanc, très patiné date de la fin du XIIème siècle en raison de la forme des vêtements.

plan

Inutile de vous dire qu’après cette visite « j’étais aux anges… ! »

http://www.collegeahuntsic.qc.ca/pagesdept/hist_geo/Atelier/Parcours/romane.html#artroman

Pour en savoir plus sur l'Art Roman:

DSC02502

13 novembre 2007

St Pierre de Rhédes

1

Cette église romane, la plus ancienne de la vallée de L’Orb

2

repose sur les fondations d’un antique sanctuaire chrétien installé à la fin du IV ème siècle dans le site gallo-romain de Rhèdes, lui-même construit sur le site d’un temple païen.

3

St Pierre de Rhèdes fut, dès l’origine, une église paroissiale. La première mention attestant d’une église en ce lieu date du Xème siècle (« Castrum quem vocant Mercariolo… cumipsa ecclèsia Sti-Petri » extrait du testament de Guillaume, vicomte de Béziers en 990). Son territoire comprenait les actuelles communes d’Hérépian, les Aires, Lamalou les Bains, le Poujol sur Orb et Combes .

L’appellation de l’église va sans cesse évoluer (Sti-Petri ad Rodas : 990, Sti-Petri de Reddes : 1182, Reddes : 1209, Redesio : 1323, Reddis : 1351). L’origine du nom paraît être gallo-romaine mais on peut émettre une origine wisigothe, rhedde désignant les chariots de voyage utilisés par les Wisigoths.

En 1182, St Pierre de Rhèdes va appartenir sans contestation à l’abbaye de Villemagne

4

qui va y établir un prieuré et ce , jusqu’à la révolution.

Lors des guerres de religion (XVI ème, XVII ème siècles) l’église sortira ruinée. Le pillage et la destruction sont à mettre au crédit des Huguenots. Lors de sa visite pastorale en 1636, l’évêque de Béziers constata la destruction de St Pierre, il ordonna sa restauration, mais ce n’est qu’en 1659, plus de vingt ans après, que la voûte du chœur et de la nef furent reconstruites. Par contre le cloître ne sera jamais reconstruit.

L’église, sans habitations nombreuses aux environs est le chef lieu d’une paroisse très dispersée ; les habitants de Villecelle,

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berceau de Lamalou, obtiennent en 1740 le droit d’avoir une chapelle paroissiale. Dés lors St Pierre isolée, semblera veiller sur le cimetière.

6

Pour la construction de l’édifice, le bâtisseur a utilisé les matériaux qu’il a trouvé sur place : du gré rose friable pou les murs, de la lauze pour le toit,

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et du basalte (pierre volcanique de couleur noire)

8

pour la décoration extérieure ; mais il a également réemployé des éléments hérités de l’Anrtiquité.

La façade Sud, est variée dans son rythme du fait des ouvertures et décors.

- Corniche ornée de rangs de billettes.

- Archivoltes des fenêtres décorées d’un demi cercle de basalte.

- Chapelle funéraire d’une riche famille désireuse de trouver protection en ce temps difficile (XVII ème siècle) faisant saillie sur l’édifice.

Le portail Sud,

9

- Deux colonnes de marbre antiques et réemployées provenant d’un temple païen. Leurs chapiteaux sont surmontés de tailloirs romans décorés de billettes et ponctués de trous de trépan.

- Un tympan décoré d’incrustations de basalte qui dessine un arc de cercle constitué de dents de scie. Ce cadre entoure une croix pattée, elle même inscrite dans un double cercle de marqueterie. Cette croix symbolise les saisons, les quatre points cardinaux et les éléments qui constituent la vie : eau, terre, feu et air.

Un linteau en un seul bloc, qui a reçu un décor défini comme étant la reproduction stylisée de deux caractères de l’alphabet arabe : l’Alef (a) et le Lom (b).

La façade Est : l’abside.

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- Bandes typiques du premier art roman.

- Arcs géminés ornés de sculptures animales.

- Lésènes (piliers en reliefs) peu épaisses (décor architectural)

- Fenêtre en relief à gauche de l’Orant, unique sur l’édifice, ressemble à une étroite meurtrière, rare dans la région.

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- Orant, sur le haut à gauche (personnage représentant à la fois St Pierre et St Jacques de Compostelle. Il tient d’une main le bâton du pèlerin et de l’autre la crosse et la bible.

La façade Ouest

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- Ressaut prenant appui sur des modillons sculptés (gargouilles) représentants des formes géométriques et figuratives.

- Massif du clocher arcade remanié.

- La plus grande partie des incrustations de basalte.

La façade Nord.

Cette dernière reste très simple car autrefois s’érigeait ici les bâtiments claustraux. A remarquer le rang de billettes sur le haut de la façade.

13

La petite porte centrale se nommait « la porte des morts » car autrefois les corps ne franchissaient pas le seuil de la porte principale, ouverte sur le cimetière, sans être bénis.

Sources : Office tourisme de Lamalou les Bains.

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