Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Grains de sel
13 janvier 2010

Madame a ses vapeurs (5)… !

100_4418

(Photo Schmitt Angret)

Après cette période de grand froid, il serait temps que je vous envoie quelques vapeurs pour vous réchauffer. Les églises, cathédrales n’étant pas des plus chauffées, j’attendrai des jours meilleurs pour vous en faire visiter d’autres.

40soiree_geoffrin

           Tronchin s’intéresse, du reste, très particulièrement aux gens de lettres ; il leur prescrit des repas légers essentiellement composés de viandes blanches, de légumes sans gousses, de fruits secs, de poissons, et comme boisson, il ne leur permet que l’eau fraîche ; il indique comme indispensable une heure d’exercice au moins avant de reprendre l’étude qui, à partir du dîner sera très modérée ; il conseille de travailler de l’aurore à midi, disant que ceux qui « travaillent la nuit sont plus sujets que d’autres à tomber à un certain âge en enfance ».

           A tous il répète : « Certainement, si Dieu avait fait l’homme pour le repos, notre corps tel qu’il est n’eût pas été fait avec sagesse ».

           Il cherche à combattre aussi les maux que la suralimentation donne à nos grands-pères par des régimes :

        Si l’on est gourmand, écrit-il à Diderot, il faut commencer par s’en corriger, car les jours des gourmands sont comptés.

41greengrocer_MIERIS

           Il souhaite de voir les repas plantureux remplacés par une « bouillie d’orge perlé cuit à l’eau avec un peu de beurre frais, de lait, de sucre », et il ajoute « qu’il serait à souhaiter qu’on ne prît aucune autre nourriture ».

           Ses prescriptions arrachent des cris de révolte aux prodigieux mangeurs que sont les hommes de cette génération. Un duc qui s’est vu condamner aux carottes et aux fèves s’écrie, après quelques jours de ce traitement :

41a_zfamilyWITTE

           - Docteur, je ne puis digérer votre galimafrée !

           Mais Tronchin représentant que ce régime est un cas de vie ou de mort, force est au duc de se résigner.

           Les pâtes d’Italie, le riz, peuvent aussi servir à varier ces régimes, « en observant que le lait utilisé à leur préparation soit tiède » ; le poisson de rivière également, « pourvu qu’il soit simplement préparé ».

           Pas d’alcool, pas de vin – le bon vin, le vin de Nuits particulièrement, pris en petite quantité et additionné d’eau, est accepté par lui comme tonique, tout en faisant observer cependant « que les peuples les plus forts ont été et sont ceux qui ne boivent que de l’eau » ; - pas de thé, pas de café, « ces lavages détestables pour l’organisme, poison atrophiant les nerfs de l’humanité » ; pas d’infusions chaudes, la diète, la diète blanche, la diète froide,

41b_carl_warner

(Tableau Carl Warner)

le régime végétarien, le régime lacté, du lait ! Du lait ! Du lait !...

           Ah ! Monsieur, écrit-il à La Condamine, que ce Christophe Colomb nous a fait du mal. Jadis, il n’était question que de l’or : il suffit pourtant pour perdre l’âme ; mais comme si cette cause de destruction ne suffisait pas, il y joignit le thé, le café.

        Il n’est pas une fâcheuse habitude de son temps qu’il ne cherche à combattre. Il condamne en premier lieu l’usage des perruques, et, au comte de Cheverny, qui fait observer que lui-même donne l’exemple d’en porter une, il répond :

           -Je suis obligé par état et pour ne pas fronder le costume des médecins de Paris, de m’affubler d’une perruque ; mais comme nous sommes seuls ensembles pour quelque temps, vous allez voir ce que j’en fais.

42

           Et, se levant, Tronchin ôte sa perruque qu’il accroche à un clou placé pour cet objet dans la boiserie du cabinet.

           Il ne cesse de conseiller aussi de dormir la tête découverte.

Dieu, ne nous avait donné que des cheveux pour couvrir votre tête, mon cher abbé, écrit-il au grand vicaire de Mâcon, et vous y ajoutez trois calottes de flanelle !

           Et il condamne l’usage de ces couvre-chefs : bonnets de coton, calottes de toutes sortes dont on fait usage pour la nuit, « qui ont pour effet d’attendrir la tête, par conséquent de la rendre plus susceptible à toutes les injures de l’air, d’en relâcher les vaisseaux, d’y attirer le sang… »

           Il déplore aussi les oreillers de plume, voudrait qu’ils fussent remplacés par des coussins de crin et s’élève contre les couettes, les matelas, l’organisation de ces grands lits mous et profonds dans lesquels on s’enfouit pour dormir sous un amas de couvertures, à l’abri d’un dôme à baldaquin, à doubles rideaux tirés.

43

           « De l’air !... » Réclame t-il, et il fait ouvrir ces rideaux. « De l’air !... » Et il exige qu’on le renouvelle dans la chambre, jusque-là tenue toujours close, de ses malades. Appelé au chevet de la dauphine Marie-Josèphe, il recule sur le seuil de la pièce, tant l’atmosphère en est fétide, et il s’écrie :

- La princesse est empoisonnée… !

           Et il ordonne d’ouvrir les fenêtres, bien qu’on soit en janvier, d’aérer le palais tous les jours.

           La grandeur des appartements, la hauteur des plafonds, l’insuffisance des appareils de chauffage font que de la Toussaint à Pâques, même à Versailles, les fenêtres sont hermétiquement fermées par des bandes de papier collé.

           « De l’air !... » Et Tronchin arrache ces bandes ; le fenêtres sont ouvertes, et il défend d’allumer du feu dans les chambres ; c’est une révolution !

Il est également ennemi des bains chauds.

44Momper_Tibre___Rome

        Tant que les Romains, au sortir du Champ de Mars, allaient se jeter dans le Tibre, ils furent les maîtres du monde, écrit-il ; les bains chauds d’Agrippa et de Néron en firent des esclaves.

           Et il ne cesse de prêcher à la jeunesse l’équitation – Il ordonne même à un jeune homme atteint de crachements de sang, disant que rien n’est meilleur pour le système vasculaire du poumon, pourvu que l’allure choisie soit un trot modéré, - La gymnastique, l’escrime, « Les gymnases des Grecs et les palestres des Romains, tout le temps de leur durée, conservèrent des âmes saines dans des corps sains. « Ce remède, quoique la pharmacopée n’en dise mot, ajoute-t-il, est à mes yeux un spécifique dont les maîtres du monde, les anciens Romains, connaissaient tous le prix, tandis que nos sybarites, de peur de déranger leur toupet, négligent toutes les parties de gymnastique ».

45apollon_de_pompei

           Il engage les parents à élever virilement leurs enfants, et il écrit à la présidente Molé :

        Je souhaite que vous vous  mettiez bien dans l’esprit que la multiplication des petits soins inutiles, des précautions outrées prépare aux mères plus tendres que raisonnables bien des peines et des regrets.

Il écrit encore sur le même sujet :

Le bien n’est jamais dans les extrêmes. Il n’est pas question de faire d’un Français un Arabe. Son carré de mouton peut être rôti à la broche ; on doit seulement exiger de lui qu’il en mange sobrement et qu’il brûle pour le rôtir la boîte de duvet dans laquelle sa mère l’a tenu renfermé.

46

           Tronchin préconise l’allaitement maternel, et le « sieur Rousseau, son compatriote, est en cela du même avis ! » publie le Courrier du soir du 10 janvier 1767. Ces deux avis se retrouvent, du reste, semblables en tant de cas ! Avant l’apparition des livres de Rousseau sur l’éducation, Tronchin a déjà prôné le retour à la vie saine, insisté sur la nécessité de s’occuper du physique, en ne perdant pas de vue le moral. On peut supposer que, durant les longues conversations qu‘ils eurent ensemble, Jean-Jacques fit siennes les idées du grand médecin, qu’il s’enthousiasma de la nouveauté de ses théories et s’en inspira pour ses ouvrages. Peut-être est-ce uniquement pour cette raison que l’Emile deviendra l’émule du chevreuil, il saura courir, sauter. Emile sera à l’aise « dans tous les éléments, il dormira bien dans de mauvais lits et tiendra en horreur les bonnets de nuit ».

47_van_loo

           Et non seulement Tronchin s’occupe particulièrement de l’hygiène des nouveaux nés, proscrit les ligatures et bandages et ne permet qu’un « corps de cuir de veau avec deux baleines », si bien que le Courrier du soir nous dit encore qu’on ne voit plus dans Paris « qu’enfants encuirassés à la Tronchin » ; mais il se montre un novateur en orthopédie et sauve de véritables tortures de pauvres êtres dont on cherchait à redresser les membres. C’est lui qui, pour une déviation de l’épine dorsale, imagine la « suspension », et son appareil, fait à Paris, sert pour la première fois pour un enfant de Chartres.

           Tronchin s’occupe de tout et de tous, il est adoré de ses malades ; dans leur enthousiasme, il y a des gens qui prétendent « qu’il empêche de mourir » ; nul ne regimbe devant ses prescriptions, elles sont acceptées comme articles de foi.

48le_malade_imaginaire

            En attendant d’être en état de vous donner la suite, je suis en train d’essayer un nouveau vin de messe, il est plein de promesses, il a de la cuisse… !

49Moines_buveurs_Cabu

(Dessin Cabu)

A Suivre… !

Publicité
Publicité
Commentaires
L
Les bons préceptes de Tronchin - que s'il y en avait un peu plus des gens comme lui aujourd'hui , ben les lobbys pharmaceutiques mettraient la clè sous la porte !
Répondre
C
...maigres comme des clous , à force d'etre dans ce sauna !<br /> <br /> PPPfffffffffff................
Répondre
C
salut "legardechasse"!!!!!!!!!!!!!!<br /> ça va pour toi????? <br /> <br /> alors concernant l'allaitement maternel notamment je suis tout à fait d'accord avec ce Monsieur.... (même si cela ne me concerne pas directement, bien entendu) <br /> <br /> je reviendrai commenter un peu plus dans le détail... <br /> <br /> je te salue GDS... <br /> <br /> <br /> PS me suis essayé le pieds avant d'entrer dans le confessionnal...<br /> <br /> <br /> bises sur le museau du Suricate...
Répondre
L
Aujourd'hui les médicaments , c'est-à-dire la Chimie remplace tout et ma foi , que voilà un bon moyen de préserver quelques grandes fortunes partagées entre Pharmaciens et Pompes funèbres !<br /> J'ai lu ce billet passionnant avec une attention d'autant plus grande que je suis ennemie de toutes ces médications pour hypocondriaques obsédès par leurs petits bobos et qui se préparent par là un avenir plus que sombre ! Euh...dois-je dire quand même que je ne refuse pas un soulagement quand mes cardans ou mon dos me font souffrir ...Je n'en suis pas aux bains glacès quand même (LOL )
Répondre
N
Ils y en a certains qui mettent du chauffage dans les églises.<br /> Merci pour la vapeur je repars avec la chaleur ………<br /> Bonne journée
Répondre
Grains de sel
Publicité
Grains de sel
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 1 059 346
Publicité