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Grains de sel
10 août 2006

Gommeux, chronique de 1873.

dandy

Gommeux, voilà encore un mot qui n’est plus usité de nos jours.

Pour l'étymologie de gommeux, l'on prétend que c'est l'appellation de mépris que les femmes donnent, dans les cabarets de barrière, à ceux qui mettent de la gomme dans leur absinthe, à ceux qui ne sont pas de vrais hommes.

Ou, celle d’un jeune élégant du XIXe siècle, désœuvré et vaniteux.

Synonyme : dandy, gandin, petit crevé.

« Un gommeux, épaules et vêtements étroits; col très haut; bottines à pointes aiguës et relevées (...) marche en fauchant, les bras écartés du corps avec affectation » (GYP, Grande Vie, 1891, p. 143)

J’ai trouvé cet article paru dans le petit journal du rire de 1873, qui dépeint le mode de vie de ces « Gommeux » !

« Il y a six mois que ce mot a été créé.

Gommeux, cela signifie qui porte des cols de chemise empesés en partie avec l’amidon, partie avec la gomme.

Mais on n’est pas gommeux seulement parce qu’on porte un col gommé.

En réalité, les gommeux d’aujourd’hui sont les petits crevés d’avant-hier et les cocodès* d’hier.

Il fallait bien rajeunir leur étiquette.

Mais voilà que les jeunes gens de notre brillante aristocratie crient à la contrefaçon.

A les entendre, on fait des gommeux avec la première chose venue, et ce serait là un abus cruel.

Gommeux, le fils d’un tapissier de l’Opéra qui a fait fortune.

Gommeux, le jeune peintre qui, à force de recommandations, est parvenu à vendre deux ou trois plats d’épinards décorés du titre de paysages.

Gommeux, un chef de rayon de la maison du coin de rue.

Gommeux, un perruquier coiffeur, pourvu qu’il sache s’habiller à la mode des vrais gommeux, ce qui n’est pas difficile.

La vérité est que le grand monde s’en va à grande vitesse.

Nous n’avons plus d’élégants.

La jeunesse d’aujourd’hui, quand elle ne songe pas à jouer à la Bourse ou à cultiver le cathare d’un vieil oncle, fait du luxe misérable et s’arrange pour n’avoir qu’un ou deux vices à la fois.

- Est-ce donc pour rien que Dieu nous a donné les sept péchés capitaux ? disait le marquis de Lauragais.

Il n’y a plus de fortune en France qui puisse nourrir plusieurs vices, surtout celui de l’élégance.

C’est  ce qui explique la grande quantité de gommeux qui sont sur le grand échiquier du pavé de Paris.

En Angleterre, on ne pourrait pas singer ainsi les gens de bon ton.

Voilà lord Bentinck qui a fait acheter vingt mille francs de tan pour couvrir un hippodrome sur lequel pendant les froids les plus rigoureux du dernier hiver, il a pu faire entraîner ses chevaux de course.

Avec vingt mille francs par an, un jeune Parisien de nos jours tient état de maison.

Il s’achète quatre paletots** par an.

Il dîne dans un cabaret à la mode, à dix francs par tête.

Il use une douzaine de paires de gants.

Il fume, au plus, six cents cigares de cinq sous.

Il paye par moment un bock aux drôlesses de chez Mabille.

Il va applaudir les opérettes d’Offenbach.

Il achète, le soir, moyennant quinze centimes, le journal à cancans.

Il parie de temps en temps trois louis aux courses de la Marche.

Il va, l’été, à Chatou, disant partout qu’il part pour Biarritz.

Il a un groom qui est un peu mieux habillé que lui-même.

Il porte un bouquet de violettes (cinq centimes) à la boutonnière.

Il a un lorgnon pour avoir l’air de regarder.

Il fait ressemeler ses vieilles bottes.

Il achète, par-ci par-là, quelque vieille aquarelle démodée chez les marchands de bric-à-brac.

Il a des faux-cols, de fausses manchettes et de faux devants de chemise.

Il loue un cabriolet aux Champs Elysées, la plus folle des dépenses.

Il se fait faire des cartes de visite sur lesquelles il se donne le titre de comte.

Tous les gommeux sont comtes ; est-ce que tous les comtes deviennent gommeux ? »

Daniel O’Méara

*Cocodès : Dandy parisien fat et ridicule de la fin du dix-neuvième siècle, aux manières et à la toilette excentriques : « des cocodès, des crevés, des gommeux, des copurchics », que suivaient des « dégrafées », des « frôleuses » et des péripatéticiennes telles qu'une Yolande de la Bégude ou une Marcelle de Saint-Figne, toujours ravissantes, stupides...

FARGUE, Le Piéton de Paris, 1939, p. 166.)

**Paletot : Vêtement d'homme, moins souvent de femme ou d'enfant, boutonné par devant, à poches plaquées, généralement assez court, que l'on porte sur les autres vêtements.

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Commentaires
L
aaargh ...ben chez moi on le dit encore!<br /> (et je ne suis pas si vieille que ça)
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E
"paletot",cela me fait rappeler ma petite enfance,le langage pour les habits à changer ainsi que les mots de langage,ainsi que la zique(musique)au cas où tu ne comprendrais pas(je blague!!!)
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C
J'adore ce nouveau mot !!! Je retiens ! :)
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